,Cannes 2023,@,prince2023050615,wissem, - Interview B.O : Pierre Creton, réalisateur de “Un prince” (Grand Prix SACD, Quinzaine des Cinéastes), la musique cérémonielle de Jozef van Wissem Interview B.O : Pierre Creton, réalisateur de “Un prince” (Grand Prix SACD, Quinzaine des Cinéastes), la musique cérémonielle de Jozef van Wissem

,Cannes 2023,@,prince2023050615,wissem, - Interview B.O : Pierre Creton, réalisateur de “Un prince” (Grand Prix SACD, Quinzaine des Cinéastes), la musique cérémonielle de Jozef van Wissem


Propos recueillis à Cannes par Benoit Basirico

- Publié le 18-05-2023




Pierre Creton qui était au départ essentiellement tourné vers des documentaires n'incluant pas de collaborations musicales fait appel pour UN PRINCE (présenté à la Quinzaine des Cinéastes, sortie en salles le 18 octobre 2023) au compositeur néerlandais Jozef van Wissem pour illustrer le récit initiatique du film (un jeune homme découvre le jardinage et les pratiques sexuelles singulières). Les scènes de nature picturale, en plans fixes, sont bercées par des notes envoûtantes de l’ordre de la procession, avec une certaine religiosité, comme une cérémonie. Une voix-off associée à cette musique contribue à élaborer un poème. Le travail de Jozef van Wissem est une invitation à ressentir les thèmes centraux du film : le désir, la nature et le cycle de la vie.

Cinezik : On vous connaît initialement pour votre travail dans le documentaire, où, à cette époque, vous ne collaboriez pas avec des musiciens. C'est lorsque vous êtes passé à la fiction, notamment avec "Le bel été", que vous avez réellement commencé à envisager la musique, dans votre cinéma ?

Pierre Creton : Avec The Limiñanas sur "Le bel été", tout comme Jozef Van Wissem sur "Un Prince", j'ai eu la chance qu'ils acceptent de m'accompagner en créant la musique pour mes films. Dans les deux cas, je les ai rencontrés lors de concerts et ils ont tous deux écrit la musique avant même le début du tournage du film. Cela signifie que je connaissais la musique pendant le tournage, et nous avions la musique pour le montage. Pour "Le bel été", que j'ai monté seul, j'ai véritablement construit le montage à partir de la musique.

Est-ce que faire appel à des compositeurs dont vous avez apprécié les albums sur scène est motivé par le désir d'avoir leur musique comme une œuvre préexistante, comme une matière ?

Oui, comme une matière, absolument.

La musique est présente sur le plateau ?

Oui, elle est présente de manière plutôt diffuse. C'est plus au moment du montage qu'elle va se manifester comme une matière plus précise.

Cherchez-vous à ce qu'ils créent leur propre musique ? Ou alors, donnez-vous une certaine direction ?

Dans les deux cas, il y a tout de même une direction, même si elle est à la fois précise mais pas très détaillée, puisque le film n'est pas encore tourné. Ce ne sont pas des images du film que je transmets, mais plutôt des fragments du scénario, de texte, de monologues ou d'autres images.

Quels mots avez-vous utilisés pour exprimer l'intention musicale dans "Un Prince" ?

"Amour Courtois" et "Sadomasochisme", ce qui correspond plutôt bien à l'univers de Jozef Van Wissem.

Alors, comment le sadomasochisme se traduit-il musicalement ? Peut-être sous la forme d'un rituel ou d'une cérémonie. Parce qu'il y a une certaine religiosité dans la musique.

Oui, absolument. D'ailleurs, il y a une autre musique, des chants grégoriens, que mon personnage écoute à un moment à travers un mur. Tous ces sentiments sont déjà présents dans l'univers de Jozef Van Wissem. C'est-à-dire que je l'ai choisi en particulier parce qu'il me semblait que son univers était assez proche du mien pour le film "Un Prince".

Souvent, la musique de film a une dimension narrative. J'ai l'impression que dans votre film, la musique a moins cette dimension de parcours narratif, mais qu'elle est plutôt là comme des tableaux pour illustrer et nous immerger dans un rituel spécifique. Pour ce qui est de son placement, saviez-vous dès le début quand précisément la musique allait intervenir ?

Non, pas du tout. En réalité, c'est vraiment décidé lors du montage. Mais la musique elle-même a déterminé sa propre place, en tant qu'élément indépendant. En d'autres termes, elle n'illustre pas toujours quelque chose ; parfois c'est l'image qui arrive en premier, parfois c'est la musique qui vient en premier et les images ou la narration suivent après. Donc, elle a la même importance, en quelque sorte.

Il y a donc des essais et des ajustements ?

Oui, tout à fait. Le montage était complexe, du point de vue narratif, puisque le personnage principal est une figure absente qui n'apparaît qu'à une heure de film. Alors, nous avons vraiment dû chercher des solutions.

Il y a un moment, dans une scène, où une musique très percussive sature l'espace sonore. Cette musique est un peu à part du registre général du film, c'est presque du bruit, de la "noise".

Cette scène se distingue vraiment. En fait, on a donné un nom à chaque morceau, comme une sorte de "suite princière". Étonnamment, chaque morceau musical avait une séquence qui s'y adaptait bien.

Le film a une dimension très sensorielle, très physique, nous y participons en tant que spectateurs. Et il y a cette voix off. C'est presque comme un poème, c'est un récit. Dans quelle mesure la musique et la voix off se sont-elles mutuellement influencées ? Est-ce que le compositeur avait la voix, par exemple ?

Non, pas du tout, le compositeur n'avait absolument pas les voix. Mais je dirais que les voix et la musique sont presque à égalité.

Au-delà de vouloir certaines choses, y a-t-il des aspects que vous ne vouliez absolument pas dans la musique de film ? Souvent, les réalisateurs se refusent certaines choses. Et j'ai l'impression que dans votre cinéma, vous refusez l'aspect narratif de la musique.

Non, je ne suis pas sûr qu'on se refuse autant de choses que ça, nous sommes tout de même assez libres.

Dans votre collaboration avec des musiciens, vous semblez envisager un compositeur par film, c'est à chaque fois l'idée de trouver le profil qui convient à un film en particulier ?

Oui, je pense que chaque musique a son propre film. L'idée, c'est vraiment de trouver cette singularité propre au film.

La musique pour votre film, est-ce nécessairement une musique que vous appréciez en dehors, qui reflète vos goûts musicaux ? Parce qu'on dit souvent que la bonne musique pour un film n'est pas nécessairement une musique qu'on aime en général.

Euh oui, c'est vrai, plus ou moins, mais ce sont quand même plutôt des musiques que j'apprécie.

Donc c'est une chance que le film l'accepte, parce qu'un film peut parfois rejeter une certaine musique.

C'est vraiment une question d'alchimie.

Est-ce qu'il y a eu des moments dans le film où vous avez mis une musique et hop, ça ne fonctionnait pas ?

Non, je n'ai rien retiré, on s'aperçoit très vite lors du montage quand ça ne marche pas.

Et c'est vrai que la musique semble souvent intradiégétique à certains moments. Elle est présente dans un plan particulier. Et elle s'arrête net une fois que le plan est terminé. En termes de placement musical, ce n'est pas une musique qui contribue à la continuité. Elle contribue plutôt à la rupture, qu'en pensez-vous ?

C'est vrai qu'un plan est associé à un morceau de musique. Il me semble que prolonger une musique d'un plan à l'autre diluerait l'effet.

C'est un film qui surprend souvent, il y a des moments de surprise et notamment l'émergence du fantastique. J'ai l'impression que la musique incarne vraiment cet aspect fantastique.

Oui, la musique était un des éléments du fantastique, même si elle n'est pas toujours dans le registre du fantastique.

Et Jozef Van Wissem a-t-il fait beaucoup de propositions parmi lesquelles vous avez fait votre choix ?

Pas tant que ça, c'est-à-dire qu'il y avait des variations sur un même thème. Il n'y avait pas une profusion de propositions, juste ce qu'il fallait.

 

Propos recueillis à Cannes par Benoit Basirico


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