Boston (Etats-Unis), 26 mai 2009
Celui-ci se présente comme une véritable oeuvre contemporaine, d'une infinie subtilité, où le maître mélange adroitement dissonances et motifs harmoniques célestes. C'est la délicatesse qui vient à l'esprit, au sein de cette pièce aérienne, toute en volutes, où l'alto exprime une grande quantité de nuances. Du moins, pour le premier et le troisième mouvement : le second mouvement, en revanche, est beaucoup plus dynamique, vif et radical, rappelant sans équivoque le style plus âpre et répétitif que John Williams a employé dans MINORITY REPORT et LA GUERRE DES MONDES. Un régal pour les oreilles. Une fois de plus, la musique de John Williams s'impose comme une oeuvre d'une grande finesse et d'une grande intelligence, car à la fois très complexe dans sa construction, mais aussi très accessible et même souvent ludique, et toujours emprunte de l'inégalable style orchestral du maître. Du très grand art, qui sera plébiscité dès le lendemain dans la presse locale (voir le lien en bas de page) mais aussi par les amateurs de Williams présents dans la salle.
Ce moment de haute voltige est suivi par une pièce bien choisie : le thème de Mutt tiré de INDIANA JONES & THE ROYAUME DU CRANE DE CRYSTAL. Une pièce orchestrale virvoltante, qui met une nouvelle fois en exergue la dextérité de l'orchestre. Mais celui-ci, comme le chef d'orchestre (Williams lui-même) est porté surtout par l'amusement. C'est en effet un vrai morceau de comédie.
Après le deuxième entracte, John Williams dirige sa célèbre marche de SUPERMAN, composée en 1978 pour le film de Richard Donner. Plus rare, cette suite de FAR AND AWAY (Ron Howard, 1994), qui délivre ici aussi un superbe thème romantique de John Williams (autant méconnu que celui de JANE EYRE). C'est pourtant également l'un de ses plus beaux thèmes d'amour, qui resplendit ici au fil d'une suite un peu longue mais à la progression dramatique captivante, permettant au thème final d'emporter le spectateur d'émotion.
Après quoi, c'est le moment "fun" du concert avec la "Raiders March" tirée des AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE (Steven Spielberg, 1981), dirigée en synchronisme avec un sympathique montage des scènes les plus cultes de trois premiers films d'INDIANA JONES, projeté au-dessus de l'orchestre. Le public s'emballe, applaudit, rigole aux éclats lorsqu'un gag apparaît à l'écran !
Moment d'émotion ensuite avec un bel hommage de John Williams à Maurice Jarre, récemment disparu. On savait les deux hommes très admiratifs l'un de l'autre : en voici la preuve. John Williams dirige une suite de LAURENCE D'ARABIE avec un montage de quelques images du film projetée sur grand écran. L'hommage est saisissant, Williams insufflant à l'orchestre toute la grandeur nécessaire à cette immense partition de Maurice Jarre.
C'est la fin du programme officiel mais John Williams sent la salle bien chauffée : il dirige alors le fameux thème de Yoda, entendu dans L'EMPIRE CONTRE-ATTAQUE (1980). L'esprit magique de la saga STAR WARS flotte alors dans le Symphony Hall, avec ce thème mystique et aérien qui nous rappelle humblement que STAR WARS c'est aussi des mélodies profondes et subtiles. Mais John Williams n'en reste pas là et satisfait l'appétit du public pour ses thèmes les plus populaires avec la célèbrissime ouverture de LA GUERRE DES ETOILES, impeccablement interprétée par un Boston Pops enjoué et en pleine forme. On voyait sur le visage des musiciens le plaisir de jouer ces thèmes populaires du cinéma, qui plus est dirigés en personne par leur créateur, le très respecté monsieur Williams qui jouait ici à domicile.
En sortant de la salle, on peut admirer quelques photos accrochées sur les murs où l'on voit les anciens directeurs du Boston Pops et du Boston Symphony à travers les années passées : bien sûr, John Williams en fait partie et l'on peut voir des photos de lui en 1980, 1990... C'était donc un vrai plaisir de voir ici le maitre incontesté de la musique de film hollywoodienne à l'endroit même il a passé la plus grande partie de sa carrière de musicien : au Symphony Hall de Boston, John Williams donne presque l'impression de faire partie des meubles ! Grand moment de musique ce soir, où la cerise sur le gâteau pour vos serviteurs a été une brève rencontre avec le maître dans les loges, assez longue cependant pour citer Cinezik et faire une petite photo souvenir. Un privilège que l'on souhaite encore à tous ceux qui auront la chance de voir et d'écouter John Williams en concert dans les mois et les années à venir. Par contre, c'est exclusivement aux Etats-Unis : le maître est en effet trop vieux désormais pour supporter le décalage horaire. Il ne viendra plus jamais en Europe. Mais durant le seconde semestre 2009, on pourra encore le voir à Boston, à Los Angeles, et à Chicago, où il dirigera un programme spécialement dédié à la collaboration Maurice Jarre / David Lean : profitez-en...
Second concert :
Cet autre programme comprenait notamment une partie en hommage aux comédies musicales du réalisateur américain Stanley Donen, célèbre pour avoir filmé Gene Kelly dans CHANTONS SOUS LA PLUIE (1952) puis dans BEAU FIXE SUR NEW YORK (1955), mais aussi Audrey Hepburn et Fred Astaire dans FUNNY FACE (1957) ou encore Cary Grant dans KISS THEM FOR ME (1957), INDISCRET (1958) et bien sûr dans CHARADE (1963) où il retrouve Audrey Hepburn. Sous la baguette de John Williams, le Boston Pops Orchestra a fait revivre ces musiques populaires, images à l'appui, après une présentation du film en la personne de... Stanley Donen lui-même, 85 ans et toujours de bonne humeur ! Celui-ci a en effet ponctué les intermèdes musicaux d'anecdotes sur ses films, discutant sur scène avec un John Williams très détendu, admiratif et l'oeil pétillant.
Ambiance très détendue, donc, avec un début de programme similaire aux deux premiers concerts, incluant la marche de ROBIN DES BOIS de Korngold, la suite de JANE EYRE et "Flight to Neverland" de HOOK. La nouveauté du soir, c'était un nouvel arrangement, spécialement pour la harpe solo, de deux morceaux de E.T. THE EXTRA-TERRESTRIAL. Deux morceaux absolument magnifiques, particulièrement délicats, où la harpe évoque la douceur de l'enfance, et l'amitié qui se noue entre le personnage de E.T. et celui du jeune garçon Elliott (voir la vidéo en bas de page). Toute la magie de cette sompteuse partition de John Williams - qui lui valût un Oscar en 1982 - est ici présente, et même sublimée par la harpe cristalline de Ann Hobson, puis ensuite par l'orchestre qui reprend en fanfare le célèbre thème de E.T. Et s'il s'agissait de la plus belle musique composée sur le thème de l'enfance ?
Après l'entracte arrive Stanley Donen, qui introduit chacun de
ses films par une anecdote, stimulé par un John Williams amusé qui joue l'intervieweur. Les deux bonhommes semblent discuter devant le public du Symphony Hall comme s'ils étaient dans leur salon. Rapidement, John Williams prend la baguette et dirige plusieurs séquences de comédies musicales interprétées par Gene Kelly, notamment un épisode musical mettant en scène la souris Jerry des cartoons "Tom & Jerry". L'interprétation est vive, ludique, brillante, et permet de faire revivre pleinement la belle époque des comédies musicales, au point de ravir complètement les néophytes présents dans la salle (et pas spécialement friands de comédies musicales) mais aussi Stanley Donen lui-même, qui après chaque morceau n'en revenait pas : « Mais comment fait-il cela ? »
John Williams passe ainsi de Gene Kelly à Fred Astaire (qui danse ici dans ROYAL WEDDING, 1951), pour conclure cet hommage avec le classique des classiques de la comédie musicale : CHANTONS SOUS LA PLUIE et retrouver ainsi Gene Kelly à l'écran et en musique, avec la célèbre séquence de danse sur le trottoir sous la pluie.
Pour finir, John Williams conclut avec deux célèbres thèmes de science-fiction : la marche de SUPERMAN et en rappel, l'ouverture de STAR WARS (voir la vidéo en bas de page). Deux morceaux toujours aussi populaires qui déchaînent l'audience, petits et grands ! Histoire de rappeler à ceux qui l'avaient oublié que c'était bel et bien un concert de John Williams, mine de rien. Ça fait toujours son petit effet.
John Williams et Stanely Donen
Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)