Au détour de mai 68, dans les arcanes du Quartier Latin, il jette son dévolu sur l'art percussif, en l'occurence celui des congas. Un investissement à corps perdu qui, par la biais de musiciens antillais ou de frappeurs latinos, l'amène à s'intéresser à ce Graal sonore que symbolise pour lui la pochette d'un album du groupe Oregon s'ouvrant sur une forêt d'instruments. Cet "ailleurs" promis par des musiques ethniques, il part à sa rencontre, fort de sésames d'instruments jugés alors "exotiques". Suivront des années marquées au sceau d'un engagement total qui le conduisent à pratiquer les tablas, à découvrir le zarb, à se lier d'amitié avec maintes figures latinas comme Patato Valdes.
Suit en 1976 la découverte de la danse, à l'invitation du chorégraphe sud-africain Peter Goss, formidable pédagogue, anthropologue de formation. Soudain, ce qu'il recherche est là : un rapport direct à la musique, le pouvoir d'improviser sans contraintes, les vertus de l'échange in situ. Il travaille alors, avec un nombre considérable de chorégraphes appartenant à tous les courants de la danse contemporaine.
Deux aventures parallèles enrichissent sa palette : son implication dans l'école de comédiens de Patrice Chéreau et l'enseignement au Conservatoire National Supérieur sur les rapports musique et danse. Un syncrétisme d'influences spirituelles et musicales qui se retrouve dans ses musiques de films.
Comme celles de Amen, de Costa-Gavras (nominée pour le César de la meilleure musique de film en 2003), ou encore Jungle Nomades of The Himalayas de Eric Valli et Debra Kellner (2003), Tabou de Mitra Farahani (2004), La Terre Vue du Ciel de Renaud Delourme, d'après les photos aériennes de Yann Arthus-Bertrand (2004), Va, Vis et Deviens de Radu Milhaileanu (2005), Bab' Aziz de Nacer Khemir (2005), Les Oiseaux du Ciel, de Eliane de Latour (2005), ainsi que La Piste d'Eric Valli (2006).
Par ailleurs, il crée, en 1994, le label Long Distance, qu'il fonde avec son complice Alain Weber et avec l'aide de Peter Gabriel, qui peut se prévaloir aujourd'hui d'une soixantaine de titres dans le domaine des musiques traditionnelles et du monde.
Si ses musiques pour Costa-Gavras sont plutôt sombres, torturées, développant des nappes orchestrales profondes et répétitives, comme si la musique auscultait l'intériorité des personnages (la rage intérieure de Mathieu Kassovitz dans Amen, ou les pulsions meurtrières de José Garcia dans Le Couperet), ses musiques fusionnant instruments traditionnels et orchestre symphonique n'en demeurent pas moins dans la droite lignée de ce style ample et lumineux, très atmosphérique, qui mêle cordes et bois à des instruments rares et originaux, avec des voix à la croisée de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, où Amar a passé sa jeunesse.
Alliant à merveille le meilleur des deux cultures qui l'ont construit, entre musique symphonique (parfois de petit ensemble) et musique ethnique, Armand Amar a développé un univers musical bien à lui, toujours adapté aux films dont il signe la musique. Son approche étant toujours plus émotionnelle et physique qu'intellectuelle et froide, sa musique touche à chaque fois, à chaque scène, et marque le spectateur. En plus de cela, ses partitions sont d'une subtile intensité en écoute isolée sur CD. Un plaisir qu'il serait également dommage de laisser passer.
Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)