par François Faucon
- Publié le 17-02-2014Après l'ironie de Moonraker, c'est le sérieux et la gravité qui prévalent sur For Your Eyes Only. C'est aussi la vengeance de Bond sur Blofeld, meurtrier de sa femme, Térésa. Pour l'occasion, John Barry, exilé hors du Royaume-Uni pour des raisons fiscales et par un emploi du temps toujours considérable, recommande Bill Conti à la production comme compositeur possible. Celui-ci donnera à cet opus toute l'ampleur (c'est la plus longue bande-son depuis On Her Majesty's Secret Service) et l'énergie qui faisait défaut à Moonraker... Conti souhaitait Barbara Streisand pour le texte et Donna Summer comme chanteuse. Ce sera finalement l'écossaise Sheena Heaston qui, à cette époque, caracole en tête des classements avec "Modern Girl" et "Morning Train". En 1982, "For Your Eyes Only" obtiendra l'Oscar et le Golden Globe de la meilleure chanson originale. A noter que le groupe rock Blondie avait composé une chanson éponyme ("For Your Eyes Only - alternative"), finalement rejetée par la production qui préférait la composition de Bill Conti.
La caractéristique de cette musique est sans conteste le motif initial de deux notes, sur "Eyes Only", martelé dès l'ouverture lorsque 007 se rend sur la tombe de sa femme (sur laquelle on peut lire "We have all the time in the world"...) : "Gunbarrel Flowers For Teresa-Sinking The St-Georges" (0'22).
On retrouve ce motif dès l'ouverture de "St-Cyrils Monastery", dans "For Your Eyes Only-instrumental", "Cortina" (0'33), "PM Gets The Pird-For Your Eyes Only-reprise" (0'08 aux trompettes) et "Unfinished Business & Bond Meets Kristatos" (Kristatos est le commanditaire du meurtre des parents de Mélina). Ces deux notes servent de fil conducteur tout au long du film ; presque un leitmotiv. La mort de Teresa Bond entre en écho avec celle des parents de Mélina et permet l'union des deux protagonistes dans un acte similaire de vengeance. Deux notes pour une aventure en binôme en quelque sorte.
Le "Gunbarrel" est revu avec une orchestration différente, propre à Bill Conti : prédominance des cuivres, guitare électrique, martèlement au woodblock. Idem pour le "James Bond theme" : "Submarine" (à partir de 0'37). Une nouveauté qui donne le ton général de la musique du film avec une ambiance typique du début des années 80. Bill Conti s'adapte aux lieux de l'action pour les mettre en musique.
Ainsi, il dépeint la Grèce avec des accords typiques de la Mer Ionienne comme dans "Melina's Revenge" ou l'Espagne dans "Gonzales Takes A Drive" (qui s'ouvre d'ailleurs sur le leitmotiv des deux notes).
En ce qui concerne les scènes de suspense ("Ski Shoot Jump", "Recovering The ATAC") et/ou d'action, Bill Conti libère tout son potentiel : "A Drive In The Country", "Sub Vs Sub". Mais c'est sans conteste avec "Runaway" que le compositeur donne un bon résumé de son style. Possédant un incontestable sens du rythme, Conti semble utiliser la structure d'une chanson (ouverture, refrain, couplet, refrain, modulation à la tonalité voisine/demi-ton supérieur, refrain avec appui des basses, brève conclusion). A vrai dire, il n'est pas le seul à œuvrer de la sorte et les temps musicaux très courts sur une musique de films expliquent certainement en partie, de telles pratiques.
L'orchestration est celle donnée dès le "Gunbarrel" d'ouverture : cuivres, percussions ("Runaway" est presque une boîte à rythmes), synthétiseurs typiques des années 80. L'ensemble du morceau est composé de façon à ce que la pulsion rythmique renforcée par les motifs aux cuivres et l'accompagnement aux cordes donne l'impression du mouvement, de la vélocité propre à la scène (course-poursuite à ski derrière le bobsleigh).
En somme, une musique nouvelle que beaucoup de fans ont néanmoins qualifié de décevante !
par François Faucon
Interview B.O : Pierre Desprats (Les Reines du drame, de Alexis Langlois)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)