par Sylvain Rivaud
- Publié le 01-01-2008Avec "La Jeune Fille de l'Eau", une fois de plus, la fusion entre les images de Shyamalan et la musique d'Howard opère avec une clarté saisissante, démontrant (si besoin était) combien l'alchimie entre l'image et la musique peut donner un sens à un film. Dans ce cas, cet ouvrage du cinéaste américain, directement issu de "Le Village" (qui explorait déjà les défaillances d'un système humain à travers un mythe, avec une résonance manifeste au monde actuel), ébranle la vision hollywoodienne du cinéma divertissant (et le fameux "twist final" auquel le réalisateur nous avait habitués), avec ce conte pour enfants à la fois pessimiste (la remise en question de l'écriture, raconter des histoires) et optimiste (chacun a un rôle dans le monde, et les histoires sont peut-être à l'origine des belles choses). Un conte merveilleux à plusieurs niveaux de lecture, difficile à admettre pour les habitués du cinéma traditionnel comme pour ceux qui auraient attendu un véritable "film-analyse" de la part de son auteur, mais qui est, il faut le reconnaître, un nouvel exploit de mise en scène, où l'émotion jaillit presque à chaque instant, et où la musique, une fois de plus, est l'un des acteurs majeurs de ce succès.
Le compositeur James Newton Howard s'aventure dès les premières minutes dans le merveilleux en développant un superbe thème d'ouverture ("Prologue"), mystérieux et lumineux (avec célesta et voix féminines), qui deviendra rapidement le thème de la nymphe. Il symbolise un genre d'espoir venant d'un pays oublié qui émerge dans le monde des hommes. On retrouve le style répétitif du musicien déjà utilisé dans "Signes" et "Le Village", et ses signatures habituelles qui sont toujours efficaces (piano solo et orchestrations éclairées, denses et subtiles). "The Party" illustre la scène de la fête autour de la piscine . Le musicien y crée pendant six minutes une ambiance sombre, d'attente, où la menace peut surgir à tout moment.
"Charades" est probablement l'une des pièces les plus intéressantes de l'album (elle apparaît dans le film dès la première attaque du monstre). James Newton Howard développe un morceau répétitif avec bois et cordes qui rappelle en tous points le style des pièces cinématographiques de Philip Glass (Kundun, The Hours), l'utilisation des bois (flûtes en particulier) y étant très similaire. Mais rapidement le morceau évolue vers un lyrisme dépourvu de tout second degré, où le retour du thème principal suggère la pureté absolue du personnage de Bryce Dallas Howard. L'émotion éclate. C'est une merveille.
"Ripples in the Pool" correspond à la rencontre entre Cleveland (Paul Giamatti) et Story, la nymphe (Bryce Dallas Howard). Entre deux ambiances sombres et mystérieuses et ses élans lyriques uniques, James Newton Howard nous offre quelques morceaux d'action courts mais intenses (à l'image de "Signes"), rappelant parfois la saveur raffinée de l'âge d'or du cinéma américain (dans "The Blue World" ou "Walkie Talkie"). "Cereal Boxes" permet de redécouvrir une certaine candeur propre au cinéma de Shyamalan (un enfant déchiffre des boîtes de céréales) avec le retour du motif répétitif entendu dans "Charades" et du thème principal, évoquant l'aspect mystique de l'histoire, qui prend peu à peu l'allure d'un mythe, tandis que "The Healing" permet au compositeur de développer une nouvelle fois son talent pour les mélodies répétitives au piano, devenues l'une de ses signatures les plus facilement identifiables.
Avec "The Great Eatlon", James Newton Howard clôt le film avec grandeur, en signant une impressionnante pièce d'action pour la scène finale du film, intense et spectaculaire (l'écriture des cuivres rappelant "King Kong"). Il n'hésite pas à doubler l'orchestre d'un chœur puissant qui reprend massivement le superbe thème principal, provoquant ainsi dans le film un sommet d'émotion rarement vu au cinéma. Le traditionnel "End Title", doux et raffiné, permet de conclure paisiblement cette histoire simple et merveilleuse qu'un auteur a voulu nous partager après de nombreux doutes et réflexions.
par Sylvain Rivaud
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