,@,legend_of_1900,morricone, - La Légende du pianiste sur l'océan (Ennio Morricone), l'art de la Dissonance Lyrique La Légende du pianiste sur l'océan (Ennio Morricone), l'art de la Dissonance Lyrique

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par Quentin Billard

- Publié le 01-01-2008




Ennio Morricone a participé à plusieurs films de Tornatore (Maléna en 2000 avec Monica Bellucci, L'Uomo Delle Stelle en 1995, Una Pura Formalità en 1994 avec Depardieu et Polanski ou bien encore le fameux Cinema Paradiso en 1988, co-écrit avec sa fille Andrea Morricone) et La Leggenda Del Pianista Sull'Oceano représente son avant-dernière production avant Maléna.

Il est assez surprenant de constater à quel point ce score semble déroutant aux premières écoutes pour un habitué des musiques de Morricone. Souvent lié à certains tics orchestraux ou harmoniques que l'on retrouve dans la plupart des grandes partitions du maestro, la musique de Morricone ne dégage pas vraiment d'idées très familières que l'on pourrait certifier avoir déjà entendu sur d'autres de ses musiques (cela ne veut pas dire non plus que le score soit totalement original non plus!). Une des parties du thème principal rappele étrangement James Horner dans son approche harmonique et mélodique, ce qui est d'ailleurs très surprenant, Morricone n'ayant pourtant jamais eu aucun lien dans sa musique avec Horner (et inversement !). Au niveau orchestration, on a aussi du mal à reconnaître l'empreinte du maestro (à l'inverse, Cinema Paradiso pour un autre grand film de Tornatore apparaissait comme beaucoup plus familier au niveau de l'écriture et des orchestrations!). En clair, c'est un score qui change des oeuvres habituelles du compositeur de The Mission. Basant sa thématique autour du thème de 1900 (qui est basé autour de deux mélodies, la première confié à des cordes, la seconde étant la mélodie ascendante qui me rappele Horner) qui évoque la brillance du personnage et une certaine sensibilité, Morricone développe un climat émotionnel très touchant du début jusqu'à la fin du film, certes moins puissant que dans des oeuvres comme The Mission ou Cinema Paradiso, mais quand même réellement présent.

Le générique annonce progressivement le thème de 1900 au sein d'une ambiance d'émerveillement alors que les voyageurs d'un paquebot découvre l'amérique pour la première fois (plan de la statue de la liberté), mais c'est la harpe qui ouvre le film qui pose déjà ce climat émotionnel en annoncant de manière minimaliste un autre thème plus dramatique. Mais c'est biensûr le très beau '1900's Theme' qui caractérise toute l'âme expressive et lyrique de cette partition en réunissant la plupart des idées émotionnelles de la partition. Morricone utilise divers instruments tels que d'une petite formation de chambre de quelques violons, un piano ou un saxophone pour retranscrir aussi le style de la musique souvent entendu dans le film, c'est-à-dire les ragtimes ou le jazz (le film se déroule tout au début du 20ème siècle en passant par la période de l'après-guerre), Morricone s'étant ainsi inspiré de la musique du début de cette époque.

La Leggenda Del Pianista Sull'Oceano est une partition qui cache derrière sa beauté apparente des moments vraiment très surprenants, et l'on pense en particulier à la musique de la scène où 1900 est complètement hypnotisé voire obsédé par une jeune femme qu'il a croisé sur le bateau et qu'il n'arrive pas à oublier. Dans cette scène, on voit 1900 recroquevillé devant son clavier et pianoter toujours les mêmes notes ascendantes mais avec une dissonance, un frottement sur un demi tons qui apparaît évidemment troublant à nos oreilles, une idée très intéressante que Morricone va développer dans 'The Crisis' avec un accompagement harmonique des cordes qui est pourtant loin d'être dissonant lui, l'idée étant d'évoquer à travers le trouble de cette dissonance (on dirait une erreur de touche sur le clavier de la part de 1900) un autre trouble, celui de l'esprit de 1900 complètement hypnotisé par cette fille. Autre moment très surprenant, celui de la scène où 1900 et Max, qui a le mal de mer, sont assis sur le piano qui bouge et se déplace tout seul avec le tangage du bateau. Pour toute la séquence où l'on voit Max complètement malade, se déplacer presque à quattre pattes sur le parquet en direction de la salle où joue 1900, Morricone décrit la scène avec une pièce plutôt lourdingue et bancale, une ambiance style "grosse cuite après un lendemain de fête" (noter l'utilisation de vents autour qui jouent la même partie mais autour d'un grand écart d'octaves surprenant) qui rompt totalement avec le reste de la partition. Enfin dernière petite surprise de la partition, celle pour la séquence où 1900 est poursuivi par deux hommes du pianiste de jazz Jelly Roll Morton, Morricone illustrant la scène avec un style de musique de course poursuite de thriller, morceau qui rompt lui aussi avec tout le reste de la partition. Morricone semble donc s'être particulièrement amusé à glisser des moments vraiment inattendus dans sa musique qui sont comme autant d'effets de surprise pour un auditeur bercé par le lyrisme de la partition.

Morricone a écrit la plupart des pièces qu'interprète 1900 sur son piano (ainsi que les pièces que joue Morton dans la scène du défi entre les deux pianistes, très grand scène du film d'ailleurs!) et les ambiances oscillant entre pièces pour piano de jazz, rag ou classique (notons la pièce pour piano de Morricone intitulée ironiquement 'A Mozart Re-Incarnated', véritable exercice de classe de composition de Conservatoire, qui est bien peu de chose pour Morricone quand on sait que le maestro a décroché le très prisé prix de Rome) cohabitant avec de très belles pièces orchestrales décrivant avec lyrisme la fable du personnage de 1900 constituent un véritable climat émotionnel très diversifié tout au long du film. Personne ne pourra rester indifférent devant le 'Love Theme' qu'interprète 1900 sur son piano lorsqu'il voit pour la première fois cette mystérieuse fille à travers un hublot du bateau alors qu'il joue de son piano, une très belle pièce de Morricone qui démontre une fois de plus tout son talent de composition. Notons aussi tout le final du film très touchant aussi bien sur le plan cinématographique que musical (les adieux entre les deux amis, 1900 décidant de rester dans le bateau et de ne pas le quitter alors que des artificiers vont faire exploser le bateau). Pour le générique de fin, on notera la chanson inattendue 'Lost Boy Calling' écrite par Morricone et Roger Waters, avec Edward Van Halen à la guitare, chanson qui repris plus ou moins l'idée du thème de 1900.

En conclusion, La Leggenda Del Pianista Sull'Oceano est une fois de plus une très grande oeuvre du maestro italien. L'utilisation très intéressante de cette musique au sein du film qui privilégie grandement la partition de Morricone fait de La Leggenda Del Pianista Sull'Oceano une BO à la fois déroutante aux premières écoutes mais captivantes et réellement touchante. La simplicité de son expression et de son lyrisme en font une oeuvre surprenante, émouvante, vibrante, et même si La Leggenda Del Pianista Sull'Oceano ne possède pas forcément le génie et la spiritualité bouleversante de The Mission, ou l'émotion forte de Cinema Paradiso, il n'en reste pas moins un score de qualité de la part du grand Ennio Morricone, toujours autant inspiré lorsqu'il collabore avec son compatriote italien, Guiseppe Tornatore! Une musique à découvrir !

par Quentin Billard


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