par Quentin Billard
- Publié le 01-01-2008Comme il le fera plus tard dans 'Tonari no Totoro' et pour des raisons de budget, le score alterne entre pièces symphoniques et morceaux de synthétiseurs qui risqueront de sonner un peu trop 'cheap' pour certaines oreilles non initiées. Le score se base sur quelques thèmes typiques de l'esprit 'Hisaishi'. 'La fille tombée du ciel' ouvre le film sur quelques accords de piano mystérieux vite rejoint par les cordes et c'est là que le superbe thème principal intervient pour le tout début de l'excellent générique de début (typique des ouvertures des films de Miyazaki). Des cordes majestueuses et amples interprètent ce très beau thème tout à fait caractéristique des mélodies pleine de poésie que le compositeur a l'habitude d'écrire sur les films de son collègue Miyazaki. Le thème prend de plus en plus de puissance tout au long du générique. Il est la parfaite représentation de la poésie du film et la très belle amitié (ou de l'amour?) qui unira Sheeta et Pazu tout au long du film (le thème leur sera souvent associé d'ailleurs), sans oublier d'évoquer quelque part l'endroit magnifique que tout le monde recherche tout au long de l'histoire: le château de Laputa.
'Un matin dans le ravin' nous présente brièvement le personnage de Pazu et après un petit passage de synthé, des cordes majestueuses et quelques vents sautillants décrivent la fraîcheur du petit matin avec un côté impressionniste qui rappelle un peu Ravel. C'est dans cette scène où Pazu interprète au matin un petit morceau à sa trompette sur le toit de sa maison, petit morceau que l'on retrouve dans 'Un matin dans le ravin' qui est en fait une suite de trois petites pièces entendues les unes à la suite des autres dans cette séquence encore bien calme. L'action prend alors le dessus avec 'Poursuite' pour la première scène de traque avec les pirates de Dora contre Pazu et Sheeta (séquence amusante de la bagarre dans le village des mineurs). Le morceau nous fait justement entendre le thème sautillant et plutôt amusant des pirates, un thème qui évoque le côté un peu 'idiots' et 'gentillets' de ces personnages qui se révéleront être finalement des gens très amicaux. Ce petit passage très rythmé possède un côté plutôt comique qui évoque très clairement la facette un peu 'musique de dessin animé' mais sans aucune connotation péjorative étant donné que l'écriture orchestrale d'Hisaishi est toujours fraîche, intéressante et parfaitement ordonnée. Dans 'Pazu découragé', le héro vient d'être séparé de Sheeta qui doit conduire Mooska à Laputa. Le morceau sonne de manière plus triste et mélancolique avec des cordes résignées alors que Pazu est obligé de faire ses adieux à Sheeta. On notera au passage un autre grand thème du score, le thème mélancolique de 'La décision de Sheeta' lorsque cette dernière se voit forcé d'accepter la proposition de Mooska. Entendu au piano (seul), le thème nous fait ressentir quelque part l'amertume de Sheeta qui doit se résoudre tristement à amener Mooska vers Laputa et ce même si elle sait pertinemment que les conséquences seront catastrophiques.
Si le score est composé de nombreux passages poétiques et émouvants, un morceau comme 'A bord du Tigre Papillon' est un bel exemple de passage plein d'humour et d'esprit. On retrouve les ambiances sautillantes et légères attribués au soldat de Dora avec un premier passage sous la forme d'une petite danse au synthé (à noter une belle reprise du thème principal ici au synthé) puis d'un autre passage orchestral sautillant. Avec un peu de percussion (tambourin essentiellement), Hisaishi évoque quelque part la 'danse' des pirates avec un certain humour dans cette scène où Dora et sa bande s'activent à bord de leur vaisseau volant, le 'Tigre Papillon', alors qu'ils sont en compagnie de Pazu et de Sheeta. A noter dans 'Le robot-soldat' un sombre thème de synthé attribué au gigantesque robot destructeur dans l'une des plus impressionnantes séquence du film. Avec des sonorités métalliques et dures, Hisaishi évoque la puissance de ce monstrueux robot destructeur, la seconde partie plus rythmé évoquant l'arrivée de Pazu, Dora et sa bande qui viennent chercher Sheeta pour tenter de l'arracher des griffes de Mooska qui la retient prisonnière dans son QG. On retrouve ce thème menaçant dans 'Le présage des ruines' (entièrement au synthé lui aussi) qui annonce déjà un avenir sombre pour la citée de Laputa, la seconde partie du morceau prenant une tournure 'sonore' plutôt étrange. Comme dit précédemment, nous avons ces passages électroniques souvent plus sombres ou plus mystérieux, mais un morceau comme 'En te portant' témoigne de tout la talent du compositeur pour faire ressortir toute la magie, la poésie et l'émotion du film dans sa musique. Ici, le compositeur reprend son thème principal dans une très belle variante vocale interprété par le choeur des enfants de Suginami, morceau qui évoque une fois de plus la très belle relation entre Sheeta et Pazu, unis dans la même quête: la recherche de la citée de Laputa. On retrouve au piano/synthé ce très beau thème dans 'La mer de nuages éclairée par la lune' alors que les deux héros sont assis dans la nacelle au dessus du vaisseau des pirates et qu'ils admirent ensemble la beauté du ciel et des nuages, là où se cache la mystérieuse citée de Laputa.
Nos deux héros touchent enfin à leur but dans 'Laputa: le Château dans le ciel' alors qu'ils viennent d'arriver dans Laputa. Quelques cordes avec cuivres évoquent avec puissance et majestuosité la grandeur de cette magnifique citée volante toute droit sortie d'un rêve. La fanfare des cuivres évoque l'émerveillement de cette découverte avec ce petit motif de synthé plutôt cristallin qui renforce le côté majestueux du morceau. On retrouve alors le très beau thème de 'La décision de Sheeta' rééxposé ici au synthé, la mélancolie de 'La décision de Sheeta' laissant place ici à l'émotion de la découverte (surtout avec cet élan orchestral typique des envolées symphoniques à la Hisaishi) surtout lorsque les deux héros se retrouvent devant une immense porte avec des robots similaires à celui qui détruisit la base de Mooska et de ses sbires vers le milieu du film. On retrouve finalement le magnifique thème de Laputa dans une nouvelle version chorale dans 'La chute de Laputa' alors que le château commence à s'effriter en tombant dans le ciel, le thème étant chanté ici par le choeur a cappella sans paroles.
Cette superbe BO trouve sa conclusion sur 'En te portant' qui commence d'abord avec une reprise de la petite danse des pirates de 'A bord du Tigre Papillon', les cordes et l'orchestre venant rejoindre le synthé pour apporter une conclusion à la fois paisible et poétique au score pour le final du film débouchant sur une ultime reprise du thème principal de Laputa interprétée ici par la chanteuse Azumi Inoue accompagné par le synthé et quelques cordes lyriques. Sans être ce que Joe Hisaishi a fait de mieux pour Miyazaki, 'Tenkuu no shiro Rapyuta' est une superbe BO nous prouvant une fois de plus le talent du compositeur qui aime varier les ambiances entre plages orchestrales lyriques et poétiques et morceaux de synthé plus légers ou plus sombres suivant les différentes situations de l'histoire. A noter que pour la ressortie du film aux Etats-Unis, ce sont les producteurs de chez Disney qui ont rachetés les droits du film. Comme les américains se plaisent à s'emparer des films des autres pour les fondre dans leur propre culture, ils ont demandés à Hisaishi de recomposer entièrement son score pour livrer plus d'une heure de musique entièrement orchestrale (ils n'aimaient pas le côté 'cheap' des sons de synthé très années 80, même si c'est pourtant tout ce qui donne du charme à cette musique). Heureusement, la mentalité en France est toute autre et c'est ainsi que vous avons pu voir récemment le film qui n'avait encore jamais été distribué eu Europe et dans le monde. Plus de 20 ans après sa sortie au Japon, 'Tenkuu no shiro Rapyuta' s'impose comme un véritable modèle du genre. La musique d'Hisaishi est en parfaite symbiose avec le film de Miyazaki qui semble avoir trouvé un collaborateur particulièrement inspiré en la personne de Joe Hisaishi. Grâce à la réédition française de cette BO, les béophiles ont enfin l'occasion de redécouvrir cette petite parle rare que nous ne pourrons que conseiller à tout bon fan d'Hisaishi et à tout ceux qui apprécient régulièrement ses travaux pour le cinéma!
par Quentin Billard
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