par Eric Serra
- Publié le 01-01-2008Mais jamais les synthés n’auront acquis autant d’âme que dans Le Grand Bleu. Cette musique est l’apogée d’un style électronique qui n’a dans ce cas rien à envier au symphonique, vu qu’il assume pleinement sa différence et sa spécificité, et permet de créer des sensations impossibles à créer avec des instruments acoustiques. Les sons éthérés et étirés, les échos, les couleurs s’enchevêtrent pour créer une sensation de bien être se mariant parfaitement avec les images épurées du film.
Mais ce n’est pas juste une magnifique musique planante que le compositeur nous livre avec cette partition, c’est plus que cela : Serra réussit à retranscrire en musique les sentiments les plus profonds du héros Jacques Mayol, il nous fait ressentir ses sensations lors des plongées, et ses vibrations dans le monde en général. Plus qu’acoustique, la musique du Grand Bleu est d’abord une expérience sensorielle, et par le biais des héros, elle est à l’écoute de nos propres respirations et souhaite nous plonger avec eux en apnée. L’auditeur s’immerge dans un bain de musique dont il n’émerge que par petites touches exagérément contrastées, qui par leur côté exalté ("The Sky Scrapers") ou ironique ("Let Them Try") peut traduire l’aspect oppressant et futile du monde extérieur, épousant une nouvelle fois la vision de Jacques.
Le César qui lui a été attribué ne marque pas l’aboutissement du compositeur, mais peut être vu comme la reconnaissance d’une profession envers quelqu’un qui a su transcender l’aspect électronique en vogue pour remettre en avant ce qui avait tendance à se laisser dépasser par la technique : l’émotion. La musique est un vecteur de sentiments, et tous les moyens dont elle dispose doivent l’amener à cette fin. Serra l’a bien compris et c’est en appliquant ce principe qu’il nous a livré ses meilleures partitions.
par Eric Serra
Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)