par Quentin Billard
- Publié le 01-01-2012Le film original de Richard Donner avait été largement popularisé par l’inoubliable musique satanique du grand Jerry Goldsmith, qui avait gagné pour ce film le seul Oscar de toute sa carrière. 30 ans plus tard, c’est Marco Beltrami qui assure la relève, le compositeur ayant d’ailleurs étudié en compagnie du maestro californien pendant quelques temps. Hélas, comme on aurait pu s’y attendre, la nouvelle partition de Beltrami ne pourra définitivement pas assurer la comparaison avec le chef-d’oeuvre de Jerry Goldsmith.
Pour cette nouvelle version, Beltrami utilise l’orchestre symphonique habituel avec quelques sempiternels effets électroniques mais finalement très peu de chœurs, et ce à l’inverse de la partition de Goldsmith qui reposait essentiellement sur les chœurs. Ce choix curieux de mettre complètement en retrait les choeurs surprend à la première écoute et nous amène à nous demander si la musique n’aurait pas été plus intéressante si Beltrami avait décidé de travailler un peu plus les choeurs. Le score s’articule autour d’un thème principal, motif de 4 notes descendantes associées à Damien et à ses méfaits sataniques. Le sombre et imposant ‘Main Titles’ l’expose sur un rythme scandé typique de Marco Beltrami, avec cordes, cuivres, synthés, contrebassons, etc. Rien de bien neuf à l’horizon, Beltrami recycle ici ses formules orchestrales habituelles héritées de ses scores horrifiques/action les plus récents, à savoir Underworld 2, Cursed ou bien encore I, Robot. Beltrami utilise en plus de son thème principal le fameux motif de 3 notes hérité de ‘Piper Dreams’ du score de Jerry Goldsmith, motif qui est ici plus ou moins présent mais qui revient dans certains moments plus calmes en guise de (très discret) rappel musical à la musique de la version de 1976. En parlant de moment calme, ‘The Adoption’ prend le temps de nous poser dans une atmosphère plutôt agréable, intime et réconfortante, avec cordes douces, harpe et quelques vents alors que le couple Thorn adopte Damien qui grandit paisiblement avec sa nouvelle famille. ‘The Adoption’ rappelle par moment le style intimiste orchestral de Jerry Goldsmith et plus particulièrement des moments calmes du score de The Omen version 76. ‘New House/Damien’s Deliverance’ reste dans le même ordre d’idée tandis que la seconde partie se veut plus sinistre lors de la scène du cache-cache pervers de Damien avec sa mère adoptive (à noter ici l’apparition des chœurs ténébreux évoquant dès le début la facette diabolique et perverse du jeune enfant). Evidemment, quand on connaît la tonalité de ce qui va suivre, on se dit que ‘The Adoption’ est bien à part dans le score de Beltrami, car la suite n’a rien de franchement calme et encore moins d’intime.
‘Ambassador Get Fired’ nous ramène dans une ambiance inquiétante pour la mort de l’ambassadeur au début du film, avec un rappel quasi obsédant du thème de 4 notes de Damien dans un crescendo inexorable et agressif typique du compositeur, apportant à la scène ce sentiment d’inexorabilité (tout en renforçant le côté très téléphoné de la séquence). On continue dans l’horreur et les sursauts orchestraux avec ‘The Nanny’s Noose’ pour la scène du suicide de la nurse au début du film. Cordes dissonantes, cuivres menaçants et choeurs obscurs se partagent l’affiche pour évoquer l’horreur de la scène, avec le style atonal/dissonant cher au compositeur. Dès lors, la musique prend une tournure résolument noire et inquiétante, une atmosphère pesante qui ne quittera pas le film du début jusqu’à la fin. ‘A Cross to Bear’ confirme ce fait, suivi d’un ‘Ms. Baylock’ atmosphérique et toujours aussi inquiétant, qui semble en dire long sur le personnage de Ms. Baylock interprété par Mia Farrow. ‘Damien’s Tantrum’ est quand à lui l’un des rares morceaux du score de The Omen à bien mettre en avant les choeurs sataniques (bien qu’ils soient toujours carrément sous mixés dans le film, comme si le réalisateur avait eu peur de choquer l’auditoire en utilisant des choeurs sataniques!), le tout accompagné des effets orchestraux dissonants/agressifs chers au compositeur, rappelant ici la bonne vieille époque des Scream, Mimic ou bien encore The Faculty. ‘More Tantrum’ développe cette atmosphère horrifique à l’aide d’effets électroniques lointains et inquiétants tandis que la seconde partie du morceau, plus effrayante, nous propose une utilisation plus inventive de l’électronique (avec une partie orchestrale retravaillée sur des synthétiseurs, un peu comme le récent Stay Alive de John Frizzell), et des choeurs qui chuchotent discrètement mais de façon presque perverse des paroles latines évoquant les méfaits de Satan (frisson garanti !). Dommage qu’une fois encore l’effets soit si bref et aussi timide (voire timoré), le compositeur donnant une fois de plus l’impression de ne pas assumer complètement l’utilisation de choeurs sataniques.
Beltrami traduit parfaitement les tourments de ses protagonistes principaux, que ce soit les doutes de Katherine (le sombre ‘Kate Doubts’) ou la spectaculaire chute de Katherine dans le massif ‘Scooter’ qui reprend le thème diabolique de Damien dans un nouveau crescendo de terreur inexorable. L’inquiétude grandissante de ‘Don’t Let Kill Me’ rappelle que Damien est plus que jamais un danger pour sa famille et son entourage. Le long et très atmosphérique ‘On The Heels of Spiletto’ évoque la quête de vérité de Thorn et Jennings dans le cimetière de Spiletto, à la recherche de la tombe des parents d’origine de Damien. Beltrami maintient pendant près de 7 minutes une atmosphère glauque et obscure tandis que la terreur pointe de nouveau le bout de son nez pour la scène de l’attaque des chiens dans le cimetière (‘Dogs in the Cemetry’), avec une excitante formule rythmique rappelant fortement ici maints passages d’action de Underworld 2 et de la trilogie Scream. ‘Drive to Bugenhagen’ est un peu plus à part avec sa voix orientale et ses percussions exotiques lorsque Thorn et Jennings recherchent Bugenhagen au Moyen-Orient, ce dernier sachant comment vaincre définitivement Damien. ‘Altar of Sacrifice’ est le dernier morceau de terreur pure du score, 4 minutes 10 d’action et de déchaînements orchestraux virtuoses qui devrait ravir les fans du compositeur. Thorn s’empare de Damien et s’enfuit avec lui pour le conduire devant un autel et le tuer à l’aide des dagues de Bugenhagen. Beltrami traduit ici le climat frénétique de cette scène avec un rythme effréné et une férocité orchestrale excitante à souhait (à noter la façon ici dont le compositeur répète systématiquement la même note à l’orchestre et plus particulièrement aux trompettes, comme pour augmenter le côté frénétique voire obsessionnel du morceau). Le morceau se conclut sur une sorte de bref requiem pour choeur et orchestre absolument poignant (pas de spoiler: à vous de voir la fin du film, vous comprendrez!).
‘The Funeral’ apporte une dernière touche d’émotion pour un bref morceau pour piano soliste intime et mélancolique, tandis que le thème principal associé à Damien revient une dernière fois dans le sombre ‘Boy Genius’ pour le générique de fin, qui se termine avec une brève apparition surprise de l’Ave Satani de Jerry Goldsmith pour le film de 76 dans ‘Omen 76/06’. Beltrami poursuit le morceau en développant son propre matériel musical, mais aura quand même réussi à rendre un (très timide) hommage au chef-d’oeuvre du maestro au début de ce morceau. Ici aussi, comme pour l’utilisation des choeurs, dommage que Beltrami n’aille pas plus loin et donne constamment l’impression de marcher sur des oeufs.
Le score de Marco Beltrami pour The Omen version 2006 n’est peut être pas un échec mais est bien loin d’être le grand score que l’on était en droit d’attendre de la part du compositeur. Pour sa seconde collaboration à un film de John Moore après Flight of the Phoenix en 2004, Marco Beltrami aurait pu expérimenter davantage et proposer quelque chose de bien plus audacieux au lieu de recycler toutes ses formules musicales/orchestrales habituelles, sans grande imagination la plupart du temps. Certes, la musique apporte son lot de frisson, de suspense et de terreur au film de John Moore mais jamais aller très loin. On est loin ici de l’audace de la partition de Jerry Goldsmith qui, en 1976, avait vraiment réussi à terrifier l’ensemble du public, ceci expliquant probablement d’ailleurs pourquoi Goldsmith a obtenu un Oscar pour cette partition mythique. Hélas, The Omen version 2006 nous oblige à tirer une fois de plus la même conclusion qui revient fréquemment comme un leitmotiv lancinant: la musique de film hollywoodienne d’aujourd’hui ne prend plus aucun risque, n’ose plus innover ni sortir des sentiers battus. Dommage, quand on sait à quel point Marco Beltrami s’avérait très prometteur à ses débuts et qu’il semble complètement stagner aujourd’hui sur des films qui n’arrivent plus à l’inspirer réellement, d’où une accumulation récente ces derniers temps de partitions fonctionnelles sans éclat ni génie. On espère que Marco Beltrami saura enfin trouver un nouveau projet bien plus audacieux et loin des sentiers battus, qui lui permettra de nous offrir enfin un nouveau chef-d’oeuvre!
par Quentin Billard
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