,@,mocky, - Interview B.O : Jean-Pierre Mocky, l'amour des thèmes, des grands musiciens et des instruments insolites Interview B.O : Jean-Pierre Mocky, l'amour des thèmes, des grands musiciens et des instruments insolites

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Propos recueillis par Benoit Basirico

- Publié le 12-05-2012




[Reprise en salles d'une dizaine de ses films le 13 septembre 2023] Dans notre entretien, nous plongeons profondément dans les idées et les préférences du célèbre réalisateur Jean-Pierre Mocky sur l'utilisation de la musique dans ses films. Sa relation avec la musique, depuis leurs choix de thèmes, en passant par son intervention sur les orchestrations, jusqu'à ses collaborations avec des compositeurs célèbres, révèle une richesse de pensée et un dévouement à l'authenticité mélodique. Mocky offre également des réflexions perspicaces sur la musique de film contemporaine. 

Vos films accueillent sans crainte la mélodie évidente... 

Jean-Pierre Mocky : Dans un film, je suis partisan d'un thème. S'il n'y a pas de thème, si c'est une musique dramatique où il y a des violons, des cymbales, des coups de tambours, ça ne me plait pas trop. Ce qu'on appelle la musique d'accompagnement ou d'une manière péjorative "la musique au mètre" où quand c'est drôle on joue du xylophone, on surligne avec des instruments rigolos, et quand c'est dramatique au contraire on balance des choses fortes, je n'aime pas trop. Pour la scène d'amour ou la scène sentimentale, un thème est important.

Quelle relation avez-vous avec la musique de vos films ?

J-P.M : J'interviens souvent dans l'orchestration. Pas toujours. Avec Maurice Jarre par exemple, il avait son orchestre symphonique avec les tambours et l'aspect russo-français. Avec Joseph Kosma, je ne suis pas intervenu du tout. Avec Eric Demarsan, j'ai demandé pour L'IBIS ROUGE une scie musicale, ce qui était très rare. Avec Vladimir Cosma, j'ai demandé du cymbalum. Mais avec Yared qui est un grand musicien, je ne suis pas intervenu dans AGENT TROUBLE parce que je n'ai pas voulu toucher aux mélodies qu'il avait écrites, ni lui dire de faire ça avec une cithare - surtout que je me méfie de la cithare à cause du TROISIEME HOMME, j'avais peur qu'on me dise que j'avais pris la musique et la sonorité de ce film. Alors j'ai pu utiliser le piano punaise, la flûte, le cymbalum, le violon, les pizzicatto...

Dans quelle mesure avez-vous une connaissance musicale qui vous a permis de collaborer avec les plus grands compositeurs français de leur temps ?

J-P.M : Non seulement je connais la musique mais je suis musicien moi-même. Comme je suis acteur, producteur, scénariste et metteur en scène, je ne peux pas être aussi musicien, donc j'ai toujours travaillé avec de très grands musiciens. Le premier étant Maurice Jarre qui fut mon ami, c'était un frère, qui a eu la merveilleuse chance après avoir fait deux films avec moi de partir aux Etats-Unis et de devenir le musicien de LAURENCE D'ARABIE et DOCTEUR JIVAGO. En dehors de Maurice Jarre, j'ai travaillé avec François de Roubaix qui a fait beaucoup de musiques de films pour moi, avec Joseph Kosma, avec l'assistant d'Ennio Morricone qui s'appelait Piero Piccioni, mort récemmen. J'avais demandé Ennio Morricone et finalement c'est Piccioni que j'ai eu, il a fait une très belle musique. Et après j'ai aussi travaillé avec Eric Demarsan qui est un très grand musicien, qui a fait des films de Melville, L'ARMEE DES OMBRES, avec Vladimir Cosma qui est devenu mon musicien. Et donc aussi Gabriel Yared avec qui j'ai fait quatre films. Finalement, je n'ai eu pratiquement que des bons musiciens.

Parmi tous les compositeurs avec lesquels vous avez travaillé, avec lesquels c'était le plus évident ?

J-P.M : Avec Yared c'était difficile, un peu comme avec Jarre, à qui je n'ai jamais donné d'instructions, ce sont des musiques symphoniques. Sauf dans LES SAISONS DU PLAISIR qui était un film très léger pour lequel on a pensé à faire un peu à la manière de Michel Legrand en utilisant "l'âme Michel Legrand". Alors évidement ça n'a rien à voir, mais on a choisi des choeurs avec la contribution de sa soeur, Christiane Legrand. Dans UNE NUIT A L'ASSEMBLEE NATIONALE, on a utilisé la fanfare d'une gendarmerie. Comme on était dans un film sur l'Assemblée Nationale, il y avait beaucoup de musiques "militaires", alors il fallait une fanfare. Comme je n'ai jamais eu beaucoup d'argent, on a demandé à l'orchestre de la gendarmerie nationale. Ils sont 85 et ne sont pas chers.

Quel regard portez-vous sur la musique de film actuelle ?

J-P.M : Le malheur veut que sur 200 films français et même sur les films américains, on se retrouve avec des films dont on ne se souvient pas des musiques, ce ne sont pas des bons films pour moi, parce qu'il y a quelque chose qui leur échappe, qui n'est pas complet. Quand il y a une mauvaise musique, une musique neutre ou d'accompagnement, ça n'a pas la même force. L'exemple existe dans tous les pays du monde. Une de mes musiques préférées est dans un film japonais, que personne ne connait bien entendu mais c'est l'un des plus grands films du monde : L'ILE NUE (de Kaneto Shindo, musique de Hikaru Hayashi), réalisé par un japonais, complètement en dehors de tous les autres grands comme Kurosawa, qui employait généralement des musiques populaires de son pays, des vieilles complaintes très japonaises tandis que celui-là avait une musique européenne, alors qu'il était japonais, c'est sublime !

Propos recueillis par Benoit Basirico

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