48 survivants, rescapés d’un mystérieux crash aérien. Une île d’apparence paradisiaque. Vaste, calme mais oppressante, avec derrière chaque arbre, chaque buisson, chaque montagne, la terrible possilibilité de voir surgir une créature féroce, un phénomène inexpliqué ou d’ « autres » gens, à l’image d’Ethan Rom (anagramme d’ « other man »), aux intentions plus que douteuses. Entre huis clos intimiste et scènes d’actions fantastiques, LOST est une expérience inédite, tant sur le plan narratif que musical, dont il est difficile de ne pas devenir accro. La sortie de la saison 2 en DVD saura-t-elle lever le vile ? C’est ce que nous avons tenté d’élucider avec le compositeur Michael Giacchino (ALIAS, LES INDESTRUCTIBLES, MISSON : IMPOSSIBLE 3).
La musique de LOST est très expérimentale, mais en même temps très humaine. Comment la décririez-vous ?
Dans LOST, il y a certes beaucoup de matériel expérimental, mais il n'en demeure pas moins thématique. Même dans ce contexte très atmosphérique, j'essaie autant que possible de rester thématique. Chaque personnage de la série a son propre thème et chacun d'eux est exploré et développé en fonction des événements. Au milieu de toute cette folie expérimentale, on trouve vraiment des mélodies beaucoup plus classiques, beaucoup plus terre à terre. C'est toute l'âme humaine qui peuple cette île.
En parlant de thèmes récurrents, certains épisodes finissent sur le même thème, à la fois sobre et envoûtant aux cordes.
J'apprécie beaucoup que la série me permette de faire ce genre de choses. Beaucoup de séries finissent leurs épisodes en balançant une chanson. J.J. fait partie des rares personnes dans le métier à vous autoriser à conclure des épisodes avec une musique originale, et je pense que cela fonctionne beaucoup mieux. Cela permet de garder l'ensemble unifié du point de vue thématique. On retrouve d'ailleurs bon nombre de ces musiques de fin sur l'album.
Comme vous l’avez dit, chaque personnage a son propre thème, mais l'île en a-t-elle ?
Elle a un petit motif obsédant de cinq notes qui se répètent sans cesse. C'est un motif très simple et mystérieux à la fois, quelque chose d'impalpable. Il y a aussi deux autres sous-motifs que j'ai créés pour les moments où les naufragés explorent l'île.
Au vu de la progression musicale des deux saisons, on a l'impression de retrouver la même stratégie que celle que vous avez développée au fil de la série ALIAS, à savoir le passage d'une musique atmosphérique, abstraite, à une musique de plus en plus thématique et orchestrale, à mesure que la personnalité des personnages est approfondie.
Absolument. Si l'on fait son travail sérieusement, c'est ce qu'il faut faire : suivre au plus près l'évolution de l'histoire et donc des personnages. La particularité de LOST, c'est qu'à mesure que l'histoire avance, on pénètre de plus en plus profondément dans la vie de ses héros, non seulement en ce qui concerne leur vie sur l'île, mais également en ce qui concerne ce qui leur est arrivé dans le passé, que l'on découvre au cours des fameux "flash-back". L'idée est qu'à la fin de ce voyage, on connaîtra véritablement tous les aspects, tous les recoins de la personnalité de ces personnages, ce qui, musicalement parlant, implique le développement d'un canevas quasi infini.
Au niveau de l'écriture, y a-t-il des passerelles entre ALIAS et LOST ?
Tout à fait. Parfois, quand j'ai trouvé quelque chose de particulièrement efficace ou amusant sur LOST, on me demande de l'utiliser également dans ALIAS. Cependant, j'essaie autant que possible de garder les deux séries nettement séparées, de sorte qu'elles gardent chacune leur propre identité. De fait, elles sont nettement différentes, mais certains éléments peuvent transpirer de l'une à l'autre, comme ils ont pu transpirer des séries à MISSION IMPOSSIBLE 3.
Certains indices quasi-subliminaux à propos de l'île parcourent la série. Y a-t-il un "lost-code" musical ?
J'y ai souvent songé, mais je n'ai jamais rien fait de tel délibérément. Principalement parce que je n'ai que deux jours pour écrire et orchestrer la musique d'un épisode : je n'ai pas vraiment le temps d'envisager autre chose. Mais je le ferai sans doute un jour ou l'autre. Cela me plairait bien ! J’espère seulement ne pas me perdre en chemin !
Avez-vous une théorie quant à la vraie nature de ces phénomènes et de cette île ?
J'ai lu à peu près tout ce qu'on a écrit sur le sujet. Pour ma part, je pense que cela a à voir avec la spiritualité. Ce que cela signifie pour chacun d'entre nous et comment cela nous relie à l'endroit où nous vivons, notre planète. C'est une manière fascinante d'examiner tout ce que les gens ont pu faire dans leur vie et de voir comment chaque décision peut nous amener quelque part, en un endroit unique qu'on ignorait avant d'y être arrivé. C'est un véritable regard sur la vie, sur le sens de la vie. Je n'essaie pas de voir plus loin ; j'essaie seulement de vivre au mieux l'expérience de chaque épisode.
Les titres de vos morceaux sont plutôt amusants, avec parfois de savoureux jeux de mots comme "The Eyeland"…
La plupart du temps, c'est mon monteur musique, Steven Davis, qui nomme mes morceaux. C'est quelqu'un de très drôle. En ce qui concerne la pièce que vous citez, c'était une façon de souligner le fait que la première chose que l'on voit dans le pilote de la série est un œil, celui de Jack, juste après le naufrage.
Il y a aussi Monsters Are Such Innnnnteresting People !
(rires) Celui-ci est tiré d'un vieux cartoon de Bugs Bunny !
Ce brin d'humour dans une série aussi sérieuse est très rafraîchissant.
Le fait est que nous nous amusons beaucoup sur cette série, et notamment lors des séances d'enregistrement. C'est une merveilleuse ambiance de travail !
Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)