Vous avez commencé à composer pour votre frère Alain Gomis ?
Oui, cela a commencé avec son premier court-métrage. Il m'a employé un peu dans la contrainte, malgré lui. C'est là que j'ai senti que la musique était toujours difficile pour un réalisateur, puisqu'il ne maîtrise pas ce langage. En France, les réalisateurs ont peur de la musique, ils ont peur de se faire voler leur film, que la musique détourne le sens des images.
Mais dans son premier long métrage, L'AFRANCE (2001), la musique a une place importante.
Votre musique emploie des instruments peu utilisés dans les bandes sons de films. Par exemple, la musique d'ANDALUCIA (2008), autre film avec votre frère, les percussions dominent.
Dans ANDALUCIA, il y a des références spirituelles, et la percussion permet de rendre compte de certains aspects rituels. Elles sont ajoutées à des instruments à vent.
Vous vivez au Sénégal. En quoi cela influence t-il votre musique ?
Artistiquement, pas tant que cela. Dans ANDALUCIA, la musique percussive provient davantage du Kenya. Mais il m'arrive parfois d'utiliser la musique locale. Quant au plan logistique, Alain vit en France, donc quand je compose, j'envoie des musiques par Internet, puis il m'arrive de monter sur Paris pour les mixages. Cela conditionne le travail évidemment. Mais je ne souhaite pas changer de pays pour autant. J'ai même un projet de monter un orchestre et un studio d'enregistrement, ici, au Sénégal.
A propos de FRANCAISE (sorti le 29 mai 2008), comment êtes-vous arrivé sur ce projet ?
La musique devait être faite au départ par Rachid Taha, mais il n'a pas pu à cause d'un album en cours. Puis la réalisatrice Souad El-Bouhati m'a appelé par l'intermédiaire d'Alain. Ca s'est fait très rapidement. Quand je suis arrivé, le film était au montage. J'ai composé vite et mis les musiques sur les images. Au départ, Souad ne voulait pas trop de musique, c'est pour cela qu'il n'y en a pas beaucoup. Elle a eu peur. Mais à mon avis, il y a une musique qui manque dans le film, lors du départ de Franck, lorsque l'on voit la jeune femme en haut d'une colline, la musique aurait aidé le spectateur à comprendre.
Mais elle était stressée pour son premier film. Elle était un peu perdue. Donc ma responsabilité était énorme pour la soutenir sans la trahir.
La chanson du film lorsque les jeune femmes dansent dans le pensionnat est-elle de vous, et quand l'avez composé ?
Cette chanson que j'ai faite en Arabe, c'est ce que j'ai composé en premier. Mais la scène de danse du film était déja tournée, sur un rythme techno. Je devais donc composer autre chose sur cette même séquence.
Vous est-il arrivé de composer plus tôt dans l'élaboration d'un film ?
Sur L'AFRANCE, j'ai composé avant le tournage puisque certaines de mes musiques étaient utilisées dans les scènes.
Pour ANDALUCIA, j'ai composé beaucoup de musiques en amont, que j'ai donné à Alain pour qu'il fasse son choix. Puis les morceaux choisis, je les adaptais ensuite au thème. J'ai même composé un rap pour ce film.
Travailler dans la musique de film implique une certaine diversité... cela vous change de vos travaux personnels ?
En effet, cela permet de faire des choses très différentes qu'on ne peut pas explorer dans un album. Dans L'AFRANCE, il y avait même de la valse de Vienne ou de la folk...
Mai ce qui est sûr, c'est qu'avec le cinéma je m'éloigne de mes travaux, la musique pour FRANÇAISE, par exemple, ce n'est pas une musique que j'aurais faite pour moi.
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