8 août 2012 : Le compositeur américain Marvin Hamlisch, lauréat de trois Oscars (empochés la même année 1974 pour une chanson et le Score de NOS PLUS BELLES ANNÉES / THE WAY WE WERE de Sydney Pollack et pour la musique de L'ARNAQUE / THE STING de George Roy Hill) est décédé sur son lit d'hôpital à l'âge de 68 ans. Il était également le gagnant de quatre Grammys, quatre Emmys (pour la télévision) et un Tony (pour la scène), auxquels il faut ajouter trois Golden Globe. Aussi, en 2009, les World Soundtracks Awards de Gand lui offre une récompense pour honorer l’ensemble de sa carrière.
Hormis le fait qu'il soit reconnu par ses pairs, Marvin Hamlisch restera pour le public comme un grand mélodiste issu du jazz qui livra de magnifiques thèmes. On se souvient de sa collaboration avec Woody Allen (le drolatique BANANAS). Nous sommes tristes que son grand retour en 2009 pour THE INFORMANT de Steven Soderbergh (qui figurait en bonne place dans notre bilan de l'année) ne puisse se prolonger.
Nous avons tout de même eu le temps de le questionner brièvement sur son parcours en 2010, et ce sont ces dernières paroles qui lui rendent hommage !
Cinezik : Pouvez-vous nous dire comment vous êtes arrivé dans l’industrie de la musique de films ?
Marvin Hamlisch : J’étais assistant d’enregistrement sur FUNNY GIRL de William Wyler, et le musicien sur ce film, Jule Styne, a fait beaucoup pour moi. C’est un très, très grand homme et un fantastique compositeur. Bien sûr, tout compositeur qui entend “West side story”, est influencé à vie. Jule Styne est celui qui a eu le plus d’influences sur moi, j’adore sa musique et j’adore surtout “Gypsy” (TV, 1993).
Comment avez-vous été engagé sur THE INFORMANT ? Est-ce que Steven Soderbergh vous a donné des directions à prendre ou avez-vous été libre pour composer ?
M.H : Ce qui est assez intéressant à savoir, c’est que j’ai été choisi pour THE INFORMANT grâce à la musique que j’ai composé pour BANANAS (de Woody Allen) parce que quand Soderbergh travaillait sur son film "El Che", il a pris avec lui plusieurs vieux DVD pour les regarder durant le tournage. L’un d’eux était BANANAS, et il a adoré la musique dedans, l’enthousiasme, la maturité et l’humour qui s’en dégageaient. Il a demandé à une personne de son équipe “qui a composé cette musique ?” et quelqu’un lui a dit "Marvin Hamlisch". J’ai alors reçu un appel de Soderbergh et il y a eu un très bon feeling entre nous dès le début, qui nous a permis de travailler ensemble. Nous avons beaucoup parlé du film. Et une après avoir travaillé sur la moitié du film, je lui ai fait écouté quelques morceaux choisis pour voir sa réaction. Nous avons eu de très bons rapports.
Quelles sont vos inspirations ou références musicales en général ? Dans THE INFORMANT il y a de nombreux clins d’oeil musicaux aux grandes comédies et aux films d’espionnage par plusieurs aspects, pouvez-vous nous en dire plus sur cet équilibre subtil que vous avez su garder ?
M.H : Le score pour THE INFORMANT n’est pas tant axé sur des notes que sur des choix psychologiques. Parce que le personnage est mythomane, j’en suis arrivé à me dire que la musique devait figurer ses états intérieurs que le monde ne peut pas voir. Il a son propre thème décontracté, assez excentrique. Le sens que je voulais donner à ma musique était que ce personnage, Guy Whitacre, a un cerveau comme un lecteur de cassettes, et qu’il suffit simplement de mettre les musiques qui correspondent aux différentes parties de sa vie. En tout cas, c’était l’idée de base qu’il y a derrière la musique que j’ai composée.
Comment travaillez-vous sur une musique de film dans cette manière de reprendre les codes du Jazz ?
M.H : Tout est dans la manière d’accentuer l’aspect comédie, et parce que nous travaillions sur un petit budget, parfois les budgets anémiques peuvent être utiles. Si vous ne pouvez pas avoir 70 musiciens, vous devez faire de votre mieux quand vous n’en avez que 16 ou 18. Donc ce que j’essaie de faire, c’est de tenter de faire des combinaisons avec ces musiciens à différents moments du score. Vous avez beaucoup de parties loufoques, qui donnent au score un côté extravagant. Vous avez des piccolos, des kazoos (gazou qui transforme la voie – Ndlr), vous avez également un saxophone grave, des exclamations lorsque le personnage fait un test au polygraphe…
Après plus de dix ans sans composer de musiques de films, vous composez toujours de façon classique avec papier et crayon. Que pensez-vous de l’évolution de l’industrie musicale rattachée au cinéma ?
M.H : C’est très différent, on utilise l'électronique maintenant. Il suffit de voir le nombre de musiques électroniques et d’équipements qui apportent un avantage impressionnant, mais je sens que cela devient également une béquille. Je descends d’une grande lignée européenne et par conséquent, j'adore écrire des mélodies. Je pense qu'il y a maintenant de moins en moins de mélodies mais ça ne veut pas dire que ça ne changera pas, c’est juste comme ça que ça a évolué.
Quelques compositeurs aiment travailler à partir de rushs ou de dessins, d’autres préfèrent travailler scène par scène. Quelle est votre façon de travailler ?
M.H : Pour moi, il est très important que le réalisateur soit avec moi dans le studio lors des sessions d’enregistrement parce que c’est plus simple de changer quelque chose quand celui-ci est assis à mes côtés, plutôt que de devoir attendre une session ultérieure.
Quels souvenirs avez-vous conservé de votre collaboration avec Woody Allen, et qu’en avez-vous retenu ?
M.H : J’ai beaucoup appris en composant le score pour BANANAS, l’un des tous premiers films de Woody Allen. Je me souviens qu’il fallait faire des avant-premières du film pour différentes personnes, tout le temps. Et je suis devenu très conscient qu’il en fallait beaucoup, j’allais aux avant-premières sans musique, et d’une façon ou d’une autre, les rires se perdaient si la musique était mal choisie. J’ai appris que les comédies peuvent être très difficiles, car vous ne pouvez pas faire en sorte que la musique prenne le dessus sur les rires. Donc vous devez être très, très prudent avec ce principe.
Votre musique est principalement associée aux comédies, comment expliquez-vous ça, et vous serez-t’il possible de travailler sur un drame ?
M.H : Je pense qu’avec le drame vous devez faire très attention à ne pas en faire trop. Je veux dire par là, ne pas en rajouter sur le sentimentalisme, sur la dramaturgie. C’est quelque chose dont nous nous sommes éloignés. J’essaie souvent de déterminer quel élément dans le film ou dans la scène pourraient nécessiter une surenchère et je trouve toujours des choses à contre-courant qui pourraient être intéressantes dans ces scènes. Donc, j’essaie toujours de trouver quelque chose qui n’est pas visible à l’écran, mais que je peux, en quelque sorte, rajouter.
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