Cinezik : Nicholas Dodd, orchestrateur de David Arnold, a dirigé votre musique pour VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE - 3D. Comment avez-vous été mis en contact ?
Andrew Lockington : J’ai rencontré Nicholas (Dodd) en travaillant sur 8MM, le film de Joel Schumacher composé par Mychael Danna. Ce dernier que j’assistais l’a embauché pour orchestrer la musique et c’était la première fois que Mychael travaillait avec lui. Nous avons enregistré et mixé le score à New York et c’est à cette occasion que j’ai pu le rencontrer. Nous sommes devenus amis, et quand je suis un peu trop chargé de travail je pense à lui en priorité. Je fais appel à ses services depuis environ 6 ans maintenant. Il a un incroyable talent d’orchestrateur et de chef d’orchestre. Nicholas me dit toujours que mes score sont très « détaillés » ; ce qui l’aide grandement. Probablement le résultat du fruit de ma propre expérience en tant qu’orchestrateur.
Quelles ont été vos références ? Avez-vous utilisé des temp-tracks? Avez-vous été orienté musicalement par les producteurs ? Quelle a été votre construction narrative, musicalement parlant ? (On ressent un aspect ancien très “golden age”, allant de Korngold à Bernard Herrmann)
Oui, il y a eu des temps tracks, mais le réalisateur s’est battu pour essayer d’obtenir exactement les sonorités qu’il voulait. Nos discussions ont souvent tourné autour de ce qui collait ou ne collait pas dans les temps tracks que nous utilisions, mais au final nous avons toujours utilisé mes sources comme trame musicale de départ.
Le côté « Golden Age » de la musique est lié tout simplement à la nature du film, rien d’autre. Eric Breving (ndlr : le réalisateur) recherchait à tout prix que son film soit une version actualisée des bandes d’aventures avec lesquelles nous avons grandi dans les années 80. Eric a travaillé en convoquant de nombreux réalisateurs de la « A list » hollywoodienne (liste des plus grands réalisateurs). Il voulait vraiment un score qui colle parfaitement à l’esprit de ceux de l’époque.
Il est assez intéressant de noter que le thème principal du score a été écrit quand je visitais la France avec ma petite famille. Nous avions loué une petite villa en Provence non loin de Gordes. Il y avait un piano à queue dans le salon. Un jour j’étais assis dehors quand le thème principal m’est venu tout naturellement, je me suis installé devant le piano et 30 minutes plus tard, tout était bouclé.
Pouvez-vous nous parler de votre carrière musicale à la télévision ? Est-ce que cela vous a aidé à appréhender votre travail au cinéma ?
Ma carrière musicale à la télévision est assez limitée. En 2002, j’ai commencé à composer la musique d’une série appelée « Missing » avec Vivica A.Fox. Je ne savais pas trop quoi en attendre mais j’ai adoré cette expérience. J’ai finalement composé pour 3 saisons et 50 épisodes d’une heure. Les producteurs ainsi que les équipes de travail ont été exceptionnels. Ils ont été très ouverts à mes expérimentations musicales avec des instruments inhabituels. J’ai utilisé cette expérience comme un exercice de style afin d’élargir mon horizon musical. Beaucoup de ce que j’ai appris durant cette période se reflète dans mes compositions aujourd’hui. Cette expérience m’a également permis d’avoir une certaine notoriété et m’a permis de gérer plus facilement la pression lorsque j’ai travaillé sur des projets indépendants. Finalement, j’ai su apporter le meilleur en fonction des budgets qui m’étaient alloués et trouver les meilleures ressources pour enregistrer de meilleures compositions.
Parlez-nous de votre collaboration au Canada avec Mychael Danna ? Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Mychael a été mon mentor pendant plusieurs années et m’a vraiment aidé à démarrer dans cette industrie. J’ai été son assistant et ai orchestré quelques-uns de ses films, et j’ai également composé quelques musiques de films avec lui. J’ai beaucoup appris auprès de lui. J’ai bénéficié d’une première main pour apprendre le processus afin de composer pour un film de grande envergure depuis le stade le l’écriture des thématiques aux sessions d’enregistrement, et j’ai voyagé aux quatre coins de la planète pour enregistrer avec les meilleurs musiciens au monde. Mychael est extrêmement talentueux et consciencieux, et travailler avec lui m’a ouvert de nouveaux horizons de connaissances et d’appréciations sur différents styles de musiques.
Pour revenir à votre dernier film, sur un plan technique, vous avez travaillé sur des images innovantes en 3D. Pourquoi avez-vous cependant décidé d’utiliser un orchestre traditionnel ?
En dépit de l’importante technologie mise à notre disposition, notre but était de raconter une bonne histoire, et celle-ci se réclamait d’une musique d’aventure orchestrale. Cela dit, j’ai également choisi d’incorporer des morceaux de synthétiseur et de percussions ethniques pour les fusionner à la palette orchestrale. La 3D n’a pas vraiment influencé le choix de l’instrumentation générale pour ce score, mais a beaucoup contribué à « l’aspect » de chaque morceau. J’ai trouvé que le fait de regarder un extrait en 3D me donnait des idées que je n’avais jamais lorsque je travaille sur de l’imagerie habituelle 2D. Ce qui en soit m’a permis de revenir en arrière et de retravailler mes morceaux une fois les avoir vus intégrés dans la version définitive du film 3D.
Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez actuellement et pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre prochain travail au Canada, ONE WEEK ?
Je travaille actuellement sur CITY OF EMBER (ndlr : réalisé par Gil Kenan avec Bill Murray et Tim Robbins…) et je dois me déplacer sur Londres cette semaine pour enregistrer. C’est encore une musique très orchestrale, avec de nombreux chœurs, mais différente de VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE de par ses thématiques. C’est un film excellent et je suis très heureux d’y avoir participé. Le score que j’ai composé pour ONE WEEK est diamétralement opposé. C’est un petit ensemble d’instruments électriques (guitare acoustique, piano, Uilleann pipes - cornemuse irlandaise). C’était très amusant de travailler sur un médium musical différent, comparé au travail effectué avec un grand orchestre.
Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)