Cinezik : Comment s'est passée votre collaboration avec Gregg Araki, quelles étaient ses intentions musicales ?
Vivek Maddala : Gregg a été un de mes conseillers au "Sundance Composers Lab " quand j'ai reçu le Sundance Institute Fellowship pour la musique de film en 2008, mais je ne m'attendais pas à écrire un jour la musique de ses films (même si j'avais toujours admiré son talent). Et fin 2009, j'ai découvert que mon ami Pavlina Hatoupis avait travaillé en tant que producteur sur KABOOM et elle m'a suggéré de lui soumettre ma collaboration. Après quelques mois, Gregg et Andrea Sperling (producteur) m'ont contacté pour composer le score pour compléter la musique qu'ils avaient déjà. Puis la portée de ma contribution a augmenté, et tous les deux jours, ils m'ont demandé d'écrire plus de musiques. A la fin, j'ai eu la chance de collaborer non seulement avec le réalisateur, Gregg Araki, mais aussi, en substance, avec les différents artistes dont les chansons apparaissent dans le film (bien que je n'ai jamais été dans la même pièce en même temps avec ces autres artistes). Dans certains cas, Gregg m'a chargé d'écrire une musique prenant le dessus par rapport à la musique existante, à intensifier le drame ou lui donner plus de propulsion. Ce fut une expérience excitante pour moi et je suis reconnaissant d'avoir eu l'occasion de travailler avec des artistes étonnants.
Gregg a un exceptionnel instinct dramatique et il sait précisément ce qu'il veut dans chaque élément du film. Bien que n'étant pas lui-même musicien, j'ai trouvé que Gregg avait une compréhension viscérale de la façon dont la musique fonctionnait avec le film et comment elle pouvait affecter le spectateur. Je composais un morceau de musique et lui montrais, il comprenait tout de suite si la musique était efficace ou pas. A ma grande joie, il avait toujours raison. J'ai eu très peu de temps pour composer mon Score, deux semaines pour 24 minutes de musique, entièrement enregistrée et produite. Ainsi, Gregg fut capable d'évaluer rapidement et avec précision l'efficacité de ma musique et ma capacité à faire des ajustements rapides et de mettre au point des solutions musicales efficaces.
Comment décririez-vous la musique (le choix instrumental) et quel est son rôle pour vous dans l'histoire et les personnages ?
V.M : L'esthétique de KABOOM est moderne, même si la ligne dramatique de l'histoire est classique, proche du conte gothique. Ainsi, le film lui-même combine une certaine niaiserie ludique avec le sérieux et la gravité. J'ai tenté dans ma composition instrumentale de refléter cette dichotomie. J'ai beaucoup joué de la guitare électrique, pour des textures, des ambiances, ainsi que des aspects plus rock, lourds, et je jouais aussi des percussions pour que le score puisse bien se mélanger avec les chansons pop du film. Cependant, pour les moments les plus dramatiques, j'ai créé une fusion de ces instruments rock avec l'orchestre (cordes, bois...), et même une chorale pour l'une des scènes clé. Gregg m'avait indiqué que pour le premier moment vraiment dramatique du film, la scène dans laquelle le film devient très sombre, il voulait une musique lyrique avec des guitares menaçantes, des tambours battants, et des ostinato de cordes avec un choeur Wagnerien.
J'aime créer des leitmotivs qui soient subtils et suggestifs, pas trop évidents. Le thème de Lorelei en est un bon exemple. Lorsque le spectateur apprend les pouvoirs du personnage, nous avons introduit un motif de piano qui saisit délicatement cette qualité de son caractère, avec des variations du thème dans les scènes où elle n'est pas physiquement présente, mais que ses pouvoirs affectent d'autres personnages.
Que représente ce film pour vous dans votre carrière en tant que musicien ?
V.M : J'ai écrit des partitions pour plus de 25 films, série TV, spectacles, mais KABOOM est certainement à mettre en évidence pour moi. La possibilité de travailler avec des cinéastes visionnaires Gregg Araki, Andrea Sperling, Beau Genot) a été une merveilleuse expérience pour moi. En outre, Gregg est un réalisateur et auteur iconoclaste qui brise parfois les traditions pour instaurer une vision artistique unique.. et en l'observant qui m'a permis de me développer moi-même en tant qu'artiste. La méthode singulière de notre collaboration que j'ai décrite précédemment a également été merveilleuse pour moi parce que la composition musicale est généralement une expérience solitaire et collaborer avec les autres sur des idées musicales est quelque chose que je souhaite explorer encore davantage dans ma carrière et je suis heureux d'avoir eu cette possibilité ici. Je pense que le cinéma indépendant représente un prodigieuse espace de création pour un compositeur. Je suis impatient de travailler avec d'autres cinéastes qui ont quelque chose significatif à dire.
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