Cinezik : Comment êtes-vous devenu compositeur pour le cinéma ? Quelle est votre formation musicale ?
Sergio Moure : La musique a toujours été ma vocation. Ma passion pour le cinéma est arrivée un peu plus tard quand mes parents m'ont transmis leur amour pour des réalisateurs comme Bergman, Truffaut, Fellini ou Polanski.
J'ai fait mes études au Conservatoire du Liceo de Barcelona puis au Berklee College of Music à Boston pour suivre le même cursus proposé.
Comment êtes-vous arrivé sur le film "Kidnapped" ? Quelle a été votre relation avec le réalisateur Miguel Ángel Vivas ?
S.M : Le film était déjà tourné lorsqu'ils m'ont appelé. En fait, l'idée de base était de faire un film sans habillage musical, mais lorsque les producteurs et le réalisateur ont visionné le montage final, ils ont décidé de faire appel à moi. Je connaissais le premier film de Miguel mais jusqu'à ce que la production (Vaca Films) avec qui j'avais déjà travaillé m'appelle, je ne le connaissais pas personnellement.
Je pense que Miguel est un grand réalisateur, il m‘a laissé beaucoup de liberté. De plus, il avait une idée très précise du rôle que devait remplir la musique et il a très bien su me la transmettre.
D'après vous, quel est dans "Kidnapped" le rôle de la musique ?
S.M : Miguel et moi étions d'accord sur le rôle que devait jouer la musique dans le film. Il fallait qu'elle accompagne les images d'horreur, bien qu'elles pouvaient se suffire à elles-mêmes, donc sans les illustrer directement. Le film a été tourné en douze plan-séquences. Il n'y a donc que douze changement de plans. En tant que compositeur, c'était un véritable défi de composer et de choisir à quel moment la musique devait jouer ou non.
Votre inspiration provient du scénario ou de la vision des images ?
S.M : Les deux ! Les images et l'histoire ont une telle charge émotionnelle qu'elles m'ont toutes deux conditionné. La musique de "Secuestrados" sert l'histoire, mais n'est pas au service des personnages.
Y a t-il dans votre travail un souci de synchronisme, pour que votre musique corresponde au rythme des séquences et à des éléments du montage ?
S.M : Comme il y a douze plan-séquences, la musique devait chorégraphier les mouvements des acteurs et les mouvements de caméra.
Pourquoi le choix d'une musique électronique ?
S.M : J'ai choisi la musique électronique car elle me semblait la mieux adaptée à l'ambiance froide présente dans ce film. Je ne voulais pas qu'elle s'implique trop au niveau émotionnel, elle devait rester assez distante. Je crois que la musique, tout comme le scénario, devait créer une atmosphère oppressante et envoûtante.
Y a t-il eu un temp Track, des morceaux préexistants destinés à vous indiquer le chemin ?
S.M : Non, car au départ le film ne devait pas avoir de musique. Aussi parce que de manière générale, Miguel n'utilise jamais de Temp Track.
Avez-vous joué avec certains codes du genre du film d'horreur ?
S.M : Je ne voulais pas travailler avec les codes du "Thriller". Ce film était un pari courageux et je voulais être à la hauteur de ce courage avec la musique.
Plus généralement, je n'utilise jamais de références, je suis toujours ma propre règle : "menos es mas" (Moins c'est plus).
Votre musique participe tout de même au suspens, notamment lors des traques ?
S.M : Je pense que pour les scènes de harcèlement et pour l'assaut de la maison, les percussions devaient être prédominantes, pas seulement pour souligner l'action mais surtout pour décrire les instincts primaires de l'être humain.
Avez-vous choisi à certains moments de ne pas mettre de musique ? Quelle est la place des silences dans votre travail ?
S.M : C'est une question intéressante parce que le silence peut aussi devenir la musique. Il est aussi important. Il faut savoir en tenir compte et savoir le doser. C'est une qualité que j'ai acquise avec le temps et l'expérience et à laquelle je donne beaucoup d'importante.
Quelles technique musicale utilisez-vous ? Quelle est votre relation avec le mixeur et le monteur sonore ?
S.M : Je travaille avec un ordinateur et un programme de composition qui permet de synchroniser la musique avec la vidéo. Je compose surtout avec un piano, mais parfois j'utilise une guitare et une basse électrique, ce qui est le cas pour ce film. J'accorde beaucoup d'importance au mixage et à la bande son. Je travail depuis toujours avec un ingénieur du son, José Vinader, un grand professionnel, qui a travaillé sur plus de 200 long métrages. Il comprend très bien ce que je veux faire, sans nécessité de trop se parler. J'assiste toujours au montage son pour connaître les bruitages et autres effets sonores.
Quel regard portez-vous sur les musiciens espagnols d'aujourd'hui ?
S.M : Il y a des compositeurs de ma génération qui ont une formation spécifique et qui apportent beaucoup au cinéma espagnol. La musique aide aussi à ce que les films espagnols soit plus internationaux, plus exportables.
Avez-vous des maîtres, des compositeurs dans l'histoire du cinéma qui vous guident ?
S.M : Ma principale inspiration sont les compositeurs classiques, comme Malher, Debussy, Britten... Concernant les compositeurs pour le cinéma, j'ai toujours aimé Morricone, Delerue, Goldsmith...
Quels sont vos projets ? Quels sont vos désirs pour le futur ?
S.M : Ma prochaine collaboration avec Miguel Ángel Vivas est une coproduction entre l'Espagne et les Etats-Unis. J'aimerais continuer à travailler, en Espagne ou ailleurs, mais toujours pour des projets intéressants. Je souhaite travailler avec des réalisateurs qui accordent un place à la musique, qui l'aiment autant que moi.
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