,stevens, - Interview B.O : Michael Stevens, A propos du film PIEDS NUS SUR LES LIMACES Interview B.O : Michael Stevens, A propos du film PIEDS NUS SUR LES LIMACES

,stevens, - Interview B.O : Michael Stevens, A propos du film PIEDS NUS SUR LES LIMACES

Interview réalisée en mai 2010 à Cannes par Benoit Basirico / Traduction : Floriane Jenard - Publié le 29-11-2010




Michael Stevens est guitariste et fut à ce titre collaborateur de Hans Zimmer (TOYS, THE ROCK), puis associé aux films de Clint Eastwood, pour quelques titres sur MYSTIC RIVER, MILLION DOLLAR BABY, MEMOIRES DE NOS PERES, avant de composer avec Kyle Eastwood les partitions de LETTRE D'IWO JIMA et INVICTUS. En 2010, il compose seul (avec quelques associés additionnels) la musique du film français PIEDS NUS SUR LES LIMACES.

(avec son associé Scott Barnhill)

Cinezik : Avec PIEDS NUS SUR LES LIMACES, vous travaillez sur le premier film de Fabienne Bertaud. Comment avez-vous rencontré la réalisatrice ?

Michael Stevens : J'ai rencontré Fabienne par un ami commun. Il me l'a présenté et nous avons commencé à bavarder, et à parler du projet de travailler ensemble sur la musique. Elle aimait ce que j'avais fait pour L'ECHANGE, et elle m'a confié la musique de son film.

Comment s'est passée votre collaboration, le dialogue autour du film, les intentions musicales ?

M.S : Elle réagissait beaucoup. Je jouais des morceaux de musiques et elle donnait son opinion. Elle disait « Non, je n'aime pas » et je faisais autre chose, sans me donner de directives. Si elle entend quelque chose qu'elle n'aime pas, elle le dit. Et cela ne veut pas dire changer deux ou trois choses, même petites, mais « fais autre chose ». C'est ce que j'aime. Elle aime, et c'est bon. Ce n'est jamais « J'aime ça mais cette courte partie je n'aime pas ». Elle aime ou n'aime pas. Ce qui est bien.

La réalisatrice a t-elle utilisé d'autres musiques pour vous informer sur ses intentions musicales, comme du "temp track" ?

M.S : Non, il n'y avait pas de temp track. Les seuls qu'il y avait étaient des chansons, pas de score. Il y avait un ensemble de chansons.

Scott Barnhill : Avec l'émotion du temp track, Michael a continué dans la direction de ce qu'elle voulait. Puis il m'a sollicité, en utilisant de la musique originale que j'ai composé.

Pour ce film, l'inspiration est venue à la vision des images, ou à la lecture du scénario ?

M.S : En fait, j'ai lu le scénario, et j'avais quelques idées. Mais je ne connaissais pas le travail de Fabienne, je n'ai pas vu son précédent film, Frankie. J'ai fait exprès de ne pas le voir, sinon j'aurais été trop influencé. Je ne voulais pas essayer de l'impressionner, pour essayer d'avoir le job, ou d'essayer de me vendre. J'ai laissé ça de côté, et j'ai lu le scénario. Et même sans musique, j'avais des images en tête.

Quand j'ai rencontré Fabienne, j'ai apporté ma guitare et je lui ai dit "Joue moi une scène où tu veux de la musique". Elle a joué la scène de la fille qui fait du vélo dans la campagne, et j'ai pris ma guitare, je lui ai joué un morceaux qu'elle a adoré et m'a dit le jour d'après que je pouvais avoir le job. Alors, j'ai aussi été inspiré par des images... et pas juste en lisant le scénario.

Pouvez-vous nous décrire la musique et son rôle dans l'histoire, pour les personnages... ?

MS : Le piano est plus ou moins utilisé comme une sorte de berceuse, jouée pour Diane. Après pour Ludivine, j'avais des petites choses, des petits instruments amusants qui allaient bien avec la nature, les images du film. Il y a deux styles distincts pour les deux sœurs, ce que je pense être la principale idée dans le score. Et la guitare bien sûr, mon instrument.

Composez-vous en jouant de la guitare, ou écrivez-vous votre partition avant ?

M.S : Je fais les deux, je change tout le temps. C'est comme quand on écrit une chanson, parfois on commence avec des mots, parfois avec un rythme.

S.B : Complètement, parfois cela commence juste avec une intuition, un sentiment, ça dépend du moment, pour trouver tes mots.

M.S : C'est comme faire une interview, tu ne sais jamais ce que tu vas dire à l'avance, cela vient comme ça, parfois tu le regrettes (rires).

Quelles limites accordez-vous à l'émotion dans votre musique ?

M.S : Lorsque tu convoques une émotion alors qu'il n'y en a pas besoin, si tu remarques vraiment la musique, c'est mauvais. Donc, d'une certaine façon, il faut une subtilité. Tout le monde était d'accord sur le fait que la musique n'empiète pas sur les dialogues, les images, les scènes, l'émotion... On a tous réagi de la même façon. Et même si une seule personne dans l'équipe avait pensé cela, en règle générale, je pense que la musique doit rester à l'écart du drame. Laissons le drame être le drame, et la musique être un autre support, jouer un autre rôle dans le film.

Qu'avez-vous appris de Clint Eastwood à propos de la musique de film ?

M.S : Exactement ce que je viens de dire. Laisser la musique être juste un autre acteur dans le film. Il y a les techniciens pour la lumière, les scénaristes, les costumiers, etc... Parmi tout ces gens, je suis juste un autre rôle dans le film, sans essayer d'être la vedette du spectacle, que le score soit trop important, que le score soit la star.

Et comment considérez-vous les thèmes et mélodies dans vos musiques de films ?

M.S : La plupart du temps, tu es influencé par ton réalisateur. Clint Eastwood a toujours aimé certaines choses, comme une base au piano, des mélodies. Ma musique est juste un support pour le réalisateur, c'est ainsi si tu travailles pour un film. J'aime travailler sur des films fous et je fais des musiques un peu folles aussi. Beaucoup de changements de cordes, des instruments fous, des choses bruyantes.  

Envisagez-vous d'avoir d'autres projets de ce type sans Kyle Eastwood avec lequel vous avez écrit la musique de LETTRE D'IWO JIMA ?

M.S : Kyle est très occupé en ce moment avec son groupe. Il est sur la route, il ne pensait pas que son groupe aurait autant de succès, il est doué. C'est ce qui l'emmène souvent sur les routes. Moi je reste enfermé dans un studio, je suis prêt à faire pleins de choses différentes au même endroit. Quand tu pars en tournée, tu fais la même chose mais dans des endroits différents.

S.B : C'est bien d'être dévoué, quand je vois Kyle, il est dévoué aussi. Ca me fait sourire de le voir faire ses répétitions.

M.S : Reste avec tes potes mec !

Aviez-vous rencontré Hans Zimmer sur le tournage de TOYS et THE ROCK sur lesquels vous étiez guitariste ?

M.S : Non, bien avant cela. J'ai rencontré Hans lorsque j'ai commencé à travailler pour lui... en 1990, à peu près au milieu du tournage de THELMA ET LOUISE. C'était environ cinq ans avant THE ROCK. TOYS date de 1992. J'ai rencontré Hans Zimmer par l'intermédiaire d'un ami d'enfance, un ami d'école qui travaille pour Hans, et il n'a pas dormi pendant deux ans parce que Hans est un accro au travail. Il m'a donc dit qu'il n'avait pas dormi pendant deux ans et qu'il pensait que je m‘entendrais bien avec Hans. Et j'ai eu le job.

Etes-vous sensible à sa musique ?

M.S : Oui, j'aime ce qu'il fait. J'aime Hans, il a un grand son, c'est un incroyable créateur. Peut être qu'un jour je travaillerai sur un score.

Hans Zimmer est un compositeur qui laisse une place pour la guitare dans ses musiques de films comme sa collaboration avec Heitor Pereira et d'autres guitaristes...

M.S : Oui, il laisse une réelle place pour la guitare. Mais tu dois avoir aussi le film adéquate pour utiliser la guitare électrique ou la guitare acoustique. Hans a eu de la chance car il a une telle panoplie de films, il en a fait tellement qu'il a pu explorer tous les instruments.

Quel film américain vous fait penser à celui de Fabienne Bertaud ?

M.S : Je dirais "Thelma et Louise". Deux filles sur la route, qui veulent échapper à la réalité.

S.B : Moi ce serait "Big Fish" en fait. Pour les personnages du père et du fils. Le père raconte ses histoires et c'est une illusion. Une façon pour une personne de se confronter à la réalité.

Quel compositeur vous inspire ?

M.S : J'aime Jerry Goldsmith. Je pense que c'était le maître. Son utilisation de l'orchestre, des instruments, ses thèmes. As-tu vu le film The Edge ? L'homme qui se fait poursuivre par les ours... C'est un score de Jerry Goldsmith. La façon dont il se sert des cuivres. C'est comme un animal, la force qu'il emploie dans l'orchestre.

Et connaissez-vous Alexandre Desplat ?

M.S : Oui, il est vraiment génial. J'ai travaillé avec lui en 1994 sur le film "Halcyon Days" (Ndlr : "Innocent Lies" de Patrick Dewolf), c'était l'un de ses plus jeunes score, tout était en orchestre. Il avait été en Allemagne pour faire l'orchestre, à Munich là où je l'ai rencontré, et il fait des choses bien. C'est vraiment un homme talentueux, qui peut très bien écrire, composer, contrôler et conduire l'orchestre tout seul, ce qui est génial, comme Jerry Goldsmith.


Interview réalisée en mai 2010 à Cannes par Benoit Basirico / Traduction : Floriane Jenard

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