Richard Fleischer souhaitait un compositeur européen pour son projet et a invité Nascimbene à le rejoindre à Munich. Malgré des difficultés personnelles, Nascimbene a accepté cette opportunité, qui allait devenir l'une des plus importantes de sa carrière. Le défi était de taille : il n'existait aucun enregistrement de musique viking auquel se référer. S'inspirant de l'utilisation magistrale du cor dans "L'Anneau du Nibelung" de Wagner, Nascimbene a créé une déclaration sonore distinctive pour les Vikings, utilisant six cors français à l'unisson. Ce motif, à la fois puissant et héroïque, est devenu un élément central de la bande originale, tissant un lien sonore fort avec le thème principal du film.
La partition s'articule autour de six thèmes principaux. Le thème des Vikings, véritable hymne guerrier, incarne leur identité collective. Il s'ouvre sur deux déclarations de cors, suivies d'une ligne mélodique de dix notes, renforcée par des percussions et des trompettes martiales. Le thème d'Odin, dieu viking de la sagesse, de la guérison et de la mort, est souvent porté par des chœurs solennels, créant une atmosphère mystique et religieuse. Le thème d'Aella, le roi cruel et ennemi des Vikings, offre un contraste sombre au thème héroïque des Vikings. Exprimé par un basson accompagné de violoncelles et de basses en trémolo, il évoque la menace et le mal. Le thème de l'amour, quant à lui, illustre la romance entre Eric et Morgana. D'une construction classique, il est porté par une flûte délicate ornée de violons, exprimant la tendresse et la passion naissante. Le thème d'Eric, modal et mélancolique, est interprété par des violoncelles lyriques accompagnés de violons en contrepoint. Enfin, le thème de la célébration, simple et répétitif, accompagne les festivités vikings avec des percussions et des chœurs.
Nascimbene utilise ces thèmes avec brio pour accompagner les différentes scènes du film. Dès le prologue, le thème des Vikings est introduit, mais en sourdine pour ne pas perturber la narration d'Orson Welles. Le thème d'Odin s'y joint, créant une ambiance mystique. Lors des scènes de violence et de pillage, les deux thèmes s'entrelacent, propulsant l'horreur à l'écran. Le thème d'Aella, lourd et menaçant, accompagne les scènes où le roi complote et exerce sa cruauté. Le thème des Vikings, dans toute sa puissance, illustre le retour triomphant de Ragnar dans son village, se fondant magnifiquement avec la beauté des paysages fjords. L'interpolation d'une chanson traditionnelle suédoise, "Ack Värmeland, du sköna", apporte une touche de nostalgie et de désir de retour au foyer.
L'un des moments forts de la partition est la scène où Eric, condamné à mourir noyé par la marée montante, est sauvé par l'intervention divine d'Odin. Nascimbene utilise la voix sublime de la soprano Lucie Silken pour interpréter les premières notes du thème des Vikings, accompagnée d'un chœur féminin qui reprend le thème d'Odin. L'effet est saisissant, créant une atmosphère de mystère et de religiosité. L'introduction du thème de l'amour laisse présager le destin amoureux d'Eric. La musique accompagne avec subtilité l'évolution de la relation entre Eric et Morgana, de leur rencontre à leur amour naissant, en passant par les obstacles et les dangers qu'ils doivent surmonter.
Les scènes d'action sont portées par une musique puissante et dynamique. Le thème des Vikings et celui d'Odin s'affrontent dans un tourbillon orchestral, propulsant les combats et les batailles. La musique souligne l'héroïsme des Vikings, leur courage et leur férocité. L'attaque du château d'Aella est un véritable morceau de bravoure, où la musique atteint son apogée. Le duel final entre Eric et Einar, dénué d'accompagnement orchestral, est marqué par le choc des épées et la tension dramatique. La mort d'Einar, accompagnée du thème d'Odin et de la fanfare viking, est un moment poignant. La musique de Nascimbene élève le film à un niveau supérieur, lui conférant une dimension épique et émotionnelle. La bande originale des "Vikings" est un chef-d'œuvre du compositeur, un joyau de l'âge d'or de la musique de film, à redécouvrir absolument.
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