Né le 2 Octobre 1938 à Paris.
Eric Demarsan, né en 1938, est reconnu pour être le seul compositeur à avoir composé par deux fois pour Jean-Pierre Melville (L'armée des ombres, Le Cercle rouge) qu’il a rencontré dans le cadre de son activité d’orchestrateur auprès de François de Roubaix (sur Le Samourai). De là il devient un compositeur pour le cinéma très actif dans les années 70 (notamment auprès de Jean-Pierre Mocky - L’Ibis Rouge…). Il a fait un retour marqué dans les années 2000 lorsque Guillaume Nicloux lui confie la musique d’Une Affaire privée (2002), réalisateur qu’il retrouvera régulièrement (Cette femme-là, The End…), ainsi que par sa rencontre à la télévision avec Hervé Hadmar (Les Oubliées, Pigalle la nuit…).
Ses B.O notables : Melville, le dernier samouraï ( Cyril Leuthy , 2020) • Romance ( Hervé Hadmar , 2020) • L'Ibis Rouge ( Jean-Pierre Mocky , 1975) • Notre-Dame, la part du feu ( Hervé Hadmar , 2022) •
Eric Demarsan naît à Paris le 2 octobre 1938. L'enfant apprend le piano d'abord avec sa grand-mère puis avec des professeurs privés. Malgré un père dans les affaires et désirant lui faire suivre des études de commerce, le jeune Eric contracte très vite le virus de la musique, dont il a la révélation à 12 ans en écoutant un pianiste exécuter un glissando sur le clavier de son instrument.
Il reçoit une formation classique (harmonie, fugue, contrepoint,...) mais en dehors du conservatoire. À l'âge de la majorité, il devient pianiste et accompagnateur dans les clubs nocturnes de Montmartre.
À cette époque, il rencontre des artistes importants comme Michel Magne ou Bernard Dimey. Après son service militaire, il travaille comme pianiste d'édition, plus concrètement son activité consiste à déchiffrer des chansons devant des producteurs et des interprètes. Le compositeur Michel Magne le sort de cette impasse et l'embauche au sein de son équipe d'orchestrateurs pendant quelques années, puis Demarsan finit par enregistrer la chanson L'oiseau pour Cécile Aubry qui deviendra le générique de la série télé Sébastien parmi les hommes .
En 1967, le compositeur et arrangeur Bernard Gérard, l'aiguille vers François de Roubaix qui cherchait justement un orchestrateur pour les films Diaboliquement vôtre et Le samouraï . Un peu plus tard, Demarsan sera crédité également comme orchestrateur dans la célèbre série télé Les chevaliers du ciel elle aussi signée par De Roubaix.
Mais Le samouraï de Jean-Pierre Melville offrira à Demarsan l'occasion d'une première prise de contact avec le mythique metteur en scène français, qui l'appellera quelques mois plus tard pour écrire la bande originale de L'armée des ombres (1969) - film implacable interprété magistralement par Lino Ventura, Simone Signoret, et Paul Meurisse qui retrace le destin d'hommes et de femmes ayant combattu secrètement pour la France libre.
La rencontre anachronique entre le jeune et chevelu Eric Demarsan, impeccablement vêtu à la façon des mods du Swinging London d'alors, et le vieux routier du septième art quant à lui éternellement coiffé d'un vieux Stetson et blotti dans un trench-coat sorti tout droit d'un film noir des années 40, se déroule pourtant bien. Le musicien est d'ailleurs le seul à avoir réussi à écrire plus de deux films en compagnie de Melville dont le caractère colérique et intransigeant était aussi légendaire que ses lunettes noires. Grâce à Jean-Pierre Melville, le compositeur va maintenant se forger un métier solide de musicien de cinéma en apprenant à décrypter les volontés d'un cinéaste et également en s'adaptant à chaque situation.
Hormis le thème glacial des Spirituals for string orchestra de Morton Gould (devenu très célèbre en tant que générique de l'émission Les dossiers de l'écran qui a terrorisé plus tard des milliers de téléspectateurs) que Melville tenait absolument à faire figurer pour une scène de prison, Eric Demarsan compose pour L'armée des ombres une fantastique bande originale écrite pour un orchestre de quarante cordes, d'une étrange guitare électrique très dissonante et d'un accordéon mélancolique pour l'émouvant thème de Gerbier. À la fin de l'enregistrement, Demarsan qui n'en menait pas large, est félicité par un metteur en scène visiblement très enthousiasmé par cette partition sombre et lyrique qui restera sans doute comme l'une de ses plus intenses réussites.
Melville tente ensuite de collaborer avec Michel Legrand sur son film suivant : le superbe polar Le cercle rouge (1970) avec Alain Delon, André Bourvil et Yves Montand mais le réalisateur est mécontent du score de Legrand. Il décide alors de faire une fois de plus confiance au jeune Demarsan dont le style plus épuré et moins “baroque” que Legrand lui convient mieux. Avec un délai de seulement trois semaines pour faire la musique, le musicien constate tout d'abord le fair-play exemplaire de Michel Legrand qui lui propose même de l'aider pour les arrangements des importantes musiques de source qu'il doit écrire pour les scènes qui se déroulent dans les bistrots ou les night-clubs. Malgré ces délais particulièrement contraignants, Le cercle rouge est une nouvelle réussite pour le couple Melville-Demarsan, écrite cette fois pour cordes, cuivres et bois avec quintette de jazz dans l'esprit du Modern Jazz Quartet, la partition reste aussi tendue et traumatisante que celle de L'armée des ombres . Melville est satisfait et indique à Demarsan qu'il sera enfin crédité dans le générique début !
En 1971, il compose la belle mélodie de L'humeur vagabonde de Edouard Luntz. Dans La sainte famille (1972) de Pierre Koralnik, le compositeur s'essaye pour la première fois au genre atonal, style qu'il retrouvera avec bonheur pour Une affaire privée de Guillaume Nicloux. Mais c'est en 1974, qu'il finit par séduire le truculent et provocateur Jean-Pierre Mocky en lui écrivant un fort joli thème pour L'Ombre d'une chance . Avec Jean-Pierre Mocky, Demarsan découvre un monde très différent de l'univers rigoureux et structuré d'un J.P. Melville, le bonhomme est particulièrement imprévisible et paye ses collaborateurs au lance-pierre (quand il parvient à les payer !), mais le musicien adore l'enthousiasme, la passion et la hargne unique qui anime un tel personnage.
1975 marquera une autre grande rencontre avec le cinéaste engagé Costa Gavras, qui laissera à Eric Demarsan un excellent souvenir pour son sérieux et sa forte implication sur la musique de son film Section spéciale .
Sur L'ibis rouge (1975), comédie grinçante de J.P. Mocky avec Michel Serrault et Michel Simon dans son tout dernier rôle, Demarsan s'amuse à utiliser les sonorités d'un orgue de manège, allié au timbre aérien d'une scie musicale et d'une harpe pour un score léger mais sans âge, à l'image des indémodables balades d'un Carlos D'Alessio. Avec L'ibis rouge , on peut dire que Mocky a enfin trouvé un compositeur au métier très sur et en même temps très proche de son univers loufoque et sarcastique. L'équipe réitérera avec des films comme Le roi des bricoleurs (1977), Vidange (1998) et La bête de miséricorde (2001).
Attention les enfants regardent (1978) de Serge Leroy, étrange fable avec un Alain Delon égaré dans une maison isolée remplie d'enfants totalement livrés à eux-mêmes, offre l'opportunité au compositeur d'expérimenter à nouveau. Cette fois-ci il utilise un discret harmonica de verre pour suggérer l'atmosphère onirique de ce film atypique. Il met ensuite en musique Roberte (1979) de Pierre Zucca puis en 1980, il signe la bande originale de l'un des derniers films du regretté Patrick Deweare : Plein sud réalisé par Luc Béraud.
Après 5 % de risques (1980) de Jean Pourtalé et une comédie très lourde de Christian Gion : Pétrole ! Pétrole ! (1981), il enchaîne sur L'indiscrétion (1982), étrange polar de Pierre Lary avec Jean Rochefort puis la piquante comédie Un bon petit diable (1983) de Jean-Claude Brialy. Patrick Leconte le fait également travailler sur Les Spécialistes (1985) avec Gérard Lanvin et Bernard Giraudeau, basé sur un scénario faisant la part belle à l'aventure et aux muscles. Pour ce film, Demarsan joue logiquement la carte du grand orchestre auquel il oppose une guitare électrique qui donne une note énergique à son score.
À la fin des années 80, il se met à travailler de plus en plus pour la télévision, on note par exemple Haute tension - histoires d'ombres (1988) de Denys Granier-Deferre avec Claude Rich, Ludmilla Mikael et Pierre-Loup Rajot, partition sombre et tendue dans laquelle il utilise un synthétiseur, La maison vide (1991), La porte du ciel (1993), La dernière fête (1996) de Pierre Granier-Deferre avec Charlotte Rampling et Stephane Freiss, Les mystères de Sadjurah (1997), Clarissa (1998) - l'un des tout derniers téléfilms de Jacques Deray et le documentaire La légende des sciences (1999) de Michel Serres et Robert Pansard-Besson.
Mais c'est Guillaume Nicloux qui lui redonne un second souffle en 2002 avec l'envoûtant polar Une affaire privée . Le jeune cinéaste est le brillant héritier de la tradition du film noir à la française incarné jadis par H.G. Clouzot, Jacques Deray et bien sur Jean-Pierre Melville, c'est d'ailleurs en écoutant la réédition en CD de L'armée des ombres que Nicloux pensa à Demarsan pour accompagner les images de la dérive d'un flic solitaire et désabusé incarné à l'écran par un étonnant Thierry Lhermitte totalement à contre emploi. Le musicien signe pour ce film une partition remarquable et très originale, jouant uniquement sur des couleurs harmoniques très denses et abstraites à mis-chemin entre le Messiaen modal et le Stravinsky atonal des dernières années.
Guillaume Nicloux fait confiance au même compositeur pour Cette femme-là (2003), autre film noir avec cette fois Josiane Balasko et une belle musique toujours aussi sombre mais un peu plus thématique que leur collaboration précédente.
Loin de se cantonner au cinéma, Eric Demarsan a aussi composé des musiques pour des spectacles comme Ainsi Blois vous est conté : un son et lumière pour le château de la ville de Blois (sur une adaptation de Alain Decaux, Robert Hossein et André Blanc), et une Suite vendéenne pour choeur et orchestre pour le théâtre d'eau du Puy du fou. Il dispose également d'un site internet officiel http://www.demarsan.com/
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