Michel Portal

Michel Portal

Né en 1935 à Bayonne.

Michel Portal, né en 1935, est un musicien de jazz inclassable (saxophoniste et clarinettiste). Il a signé plus d'une centaine de musiques de film. Tout a commencé en 1967 avec Jacques Doniol-Valcroze (Le viol) puis Hoa Binh (de Raoul Coutard, 1970). Il a participé à 3 films de plusieurs cinéastes : Alain Jessua (dont Les Chiens, 1979), Jean-Pierre Denis (Ici-Bas, 2012), Jean-Louis Comolli (La Cecilia, 1975), Gérard Vergez (Bras de fer, 1985), et Christian de Chalonge (dont Docteur Petiot, 1990). On peut citer également Nagisa Ôshima (Max mon amour, 1986), François Dupeyron (2 films), Daniel Vigne (2 films), Bruno Nuytten, Sophie Fillières, Manuel Poirier... Il est le récipiendaire de 3 César, pour Le Retour de Martin Guerre de Daniel Vigne (1983), Les Cavaliers de l'orage de Gérard Vergez (1985),Champ d'honneur de Jean-Pierre Denis (1988).    

Ses récompenses :  César (....)

Ses B.O notables : Max mon Amour ( Nagisa Oshima , 1985) •

Articles / Biographies

Basque par tous les pores, Michel Portal naît le 25 Novembre 1935 à Bayonne. Il étudie la clarinette et interprète le folklore de sa région dès l'enfance, puis il entre au Conservatoire de Paris où il obtient un premier prix pour cet instrument en 1959. Il gagnera d'autres premiers prix dans les Concours de Genève et du Jubilé suisse (1963) ainsi qu'à Budapest (1965). Portal bénéficie avant tout d'une solide formation classique et à merveilleusement interprété par la suite des oeuvres de Johannes Brahms, Robert Schumann, Sergei Prokofiev, Wolfgang Amadeus Mozart ou Francis Poulenc.

Pour gagner sa vie, il joue également au sein de la Garde Républicaine, dans des orchestres de variétés comme ceux d'Aimé Barelli ou de Perez Prado, et fait partie des musiciens de Chez Maxim's, Holiday on Ice, Le Moulin Rouge, le Lido ou des Folies Bergères. Il accompagne des interprètes comme Serge Gainsbourg ( Gainsbourg Percussions ), Barbara ( Goettingen 64-65 L'aigle noir ), Claude Nougaro ( ArmstrongPetit taureau Paris Mai ) pour qui il cosigne “ La clé ”, Jean-Pierre Kalfon ou Colette Magny. On retrouve également sa trace sur l'album Wings de Michel Colombier.

Grand joueur de clarinettes (dont la clarinette basse) mais aussi de différents saxophones et même de bandonéon, Michel Portal s'intègre tout naturellement au sein des ensembles de jazz comme ceux de André Hodeir, Claude Bolling, Jean-Luc Ponty, Michel Hausser, Ivan Jullien, Pierre Michelot ou Jef Gilson. Les années 60 voient l'émergence en France du free jazz, stimulant mouvement de libération musicale né aux États-Unis et représenté par des créateurs comme John Coltrane, Charles Mingus, Ornette Coleman ou The Art Ensemble of Chicago (entre autres).

L'esthétique ouverte et libertaire du free jazz séduit rapidement l'éclectique Michel Portal qui accompagne alors des artistes comme Bernard Vitet, François Tusques ou Sunny Murray. Parallèlement, son don inné pour l'improvisation et sa virtuosité l'amènent à participer aux différents mouvements d'avant-garde de la musique “sérieuse” comme l'ensemble Musique Vivante dirigé par le compositeur Diego Masson (qui a parfois composé pour le cinéma, essentiellement pour Louis Malle). On le retrouve dans Domaines (pour clarinette et ensemble) de Pierre Boulez, chez Karlheinz Stockhausen ( Aus den sieben Tagen : une musique improvisée,Kommunion/Intensitaet Unbegrenzt ...), Berio ( Laborintus 2 ), Kagel ( Exotica : sorte de joyeux “Happening” où il est amené à jouer d'instruments aussi improbables que des chocalhos, zanzas, kimuan, kora, pinquillio ou olifants en compagnie d'autres musiciens) et Vinko Globokar, ce dernier deviendra d'ailleurs l'un de ses compagnons de route au sein du New Phonic Art.

Il s'intéresse au cinéma dès 1966, et c'est l'étrange Le viol (1967) de Jacques Doniol-Valcroze qui lance véritablement sa carrière. Film marqué par le pop art et le coté ludique et expérimental du cinéma d'Alain Robbe-Grillet (pour lequel Doniol-Valcroze a travaillé en tant qu'acteur), il s'agit surtout d'un huis clos psychologique entre un mystérieux inconnu (incarné par l'ambigu Bruno Cremer) terrorisant et séquestrant une jeune femme seule dans son appartement. La musique très pointilliste de Michel Portal joue un grand rôle dans ce film, atonale et totalement déstabilisatrice, elle semble largement improvisée suivant le modèle du free jazz. Michel Portal utilise des sons de saxophones délibérément sales et bruiteux se mêlant à de nombreuses percussions comme des timbales, cloches, marimba, avec également un piano, un violoncelle et une contrebasse. Dans la continuité de son travail pour Le viol , Michel Portal fait partie en 1969 du New Phonic Art, groupe d'improvisation collective composé de plusieurs compositeurs de musique contemporaine : Carlos Roque Alsina (piano), Jean-Pierre Drouet (percussions) et Vinko Globokar (trombone). Puis il fonde le Michel Portal Unit en 1971 - autre groupement de musique improvisée, plus spécifiquement dévolu au jazz (où interviennent régulièrement de grands solistes comme Dave Liebman, Louis Sclavis, Henri Texier, Daniel Humair, John Surman, Eddy Louiss, Didier Lockwood ou Martial Solal pour ne citer que quelques noms). Ces recherches vont influencer durablement ses musiques de films futures comme notamment sa collaboration avec Alain Jessua.

En 1974, le réalisateur Alain Corneau le fait collaborer avec Clifton Chenier pour la scène du bistrot du futuriste France société anonyme (1974) - curieuse évocation d'un monde entièrement contrôlé par le pouvoir de la drogue (avec un étonnant Michel Bouquet dans le rôle principal). Puis il écrit des scores comme La Cecilia (1975) pour le cinéaste et critique Jean-Louis Comolli (avec qui il entretiendra une assez longue collaboration), Les Conquistadores (1976) de Marco Pauly (avec la collaboration de Joachim Kühn et de Daniel Humair) et L'Adoption (1978) de Marc Grunebaum.

En 1978, le cinéaste Alain Jessua ( Traitement de choc Armaguedon ) qui avait déjà travaillé avec des compositeurs aussi hors normes que Jacques Loussier (les cris et onomatopées “pop” de Jeu de Massacre ), Astor Piazzolla ou René Koering (plus célèbre aujourd'hui en tant qu'homme de radio et surintendant de la musique pour la ville de Montpellier), l'engage pour cosigner avec ce dernier le score de son film Les chiens , fable inquiétante sur l'insécurité dans les villes nouvelles. Les chiens conte l'histoire d'une jeune et belle institutrice (Nicole Calfan) qui, à la suite d'un viol dans une rue nocturne d'une banlieue de la région parisienne, décide de vivre avec un chien de garde qu'elle va dresser régulièrement chez le redoutable Morel, le puissant maître-chien de la ville (Gérard Depardieu). Elle rencontre le docteur Henri Feret (un Victor Lanoux totalement à contre emploi) nouvellement installé, qui doit soigner de nombreux cas de morsures dues au nombre de plus en plus important de molosses que les gens dressent dans le chenil de Morel. Feret est entraîné malgré lui dans un drame de la paranoïa sécuritaire. Un peu comme dans Le viol , Michel Portal s'amuse à accompagner ce cas de folie collective par d'audacieuses expérimentations quasiment jamais osées dans une musique de film. Portal et Koering utilisent une clarinette solo très abstraite (à la Pierre Boulez) dans une scène mémorable où Depardieu parle amoureusement à sa chienne favorite près d'une rivière. Et les deux compères s'en donnent à cœur joie lors de la poursuite finale, imitant les grondements et les aboiements des chiens par des changements d'embouchures de clarinettes ainsi que des bruits de souffle et émissions de phonèmes dans l'instrument (techniques très courantes dans la musique d'un Globokar ou d'un Berio).

À partir de la toute fin des années 70, Portal va travailler de plus en plus pour la télévision, sa musique toujours discrète et sobre s'adapte à merveille aux budgets de plus en plus serrés des fictions françaises. Le musicien composera la célèbre musique de Droit de réponse (1980) - émission animée par Michel Polac, Bouvard et Pecuchet (1989) de Jean-Daniel Verhaeghe, L'Inspecteur Lavardin : Le Diable en ville (1990) de Christian de Chalonge, Le diable au corps (1990) de Gerard Vergez, le beau thème mélancolique à l'accordéon de Ivan Ivanovitch Kossiakoff (1990), La Peur (1992), Eugénie Grandet (1994) de Jean-Daniel Verhaeghe, Pêcheur d'Islande (1996) de Daniel Vigne, l'excellent De gré ou de force (1998) de Fabrice Cazeneuve stigmatisant le “mobbing” (technique d'humiliation pour pousser un salarié à la démission), L'Ami de Patagonie(2002) d'Olivier Langlois ou Un fils de notre temps (2003) toujours de Fabrice Cazeneuve.

Parallèlement à une riche carrière comme jazzman, il trouve également le moyen de signer la belle musique de L'Ombre rouge (1981) et de Balles perdues (1983) pour son ami Jean-Louis Comolli.

Dans les années 80, il va recevoir pas moins de trois césars pour Le Retour de Martin Guerre (1982) de Daniel Vigne, Les Cavaliers de l'orage (1983) de Gérard Vergez, et pour la sobre et émouvante musique de Champ d'honneur (1986) de Jean-Pierre Denis. Son score pour Le Retour de Martin Guerre est sans doute l'un de ses plus remarquables. Pour ce drame du XVIème siècle (interprété par Gérard Depardieu et Nathalie Baye), Portal se sert habilement de danses folkloriques, mais aussi de fragments de musiques répétitives. Il effectue un important travail sur la voix, les instruments à vent et les percussions (plus particulièrement lors d'une description de la ville de Toulouse) recréant à merveille les parfums et les couleurs de cette époque.

En 1986, il a la chance de travailler avec le grand metteur en scène japonais Nagisa Oshima sur Max mon amour , troublant film surréaliste (dialogué par Jean-Claude Carrière et interprété par Charlotte Rampling et Anthony Higgins) véhiculant un beau thème épuré marqué par le timbre mystérieux de la clarinette basse. Après un excellent Yeelen (1987) pour le réalisateur malien Souleymane Cisse, soutenu par des rythmes africains (autre grande influence de Michel Portal), il écrit également le thème pour piano de En toute innocence (1988), thriller psychologique d'Alain Jessua avec Michel Serrault et Nathalie Baye.

Le superbe Docteur Petiot (1989) du talentueux Christian de Chalonge, est un nouveau petit chef d'oeuvre pour Portal, qui écrit pour ce drame expressionniste (joué par un hallucinant Michel Serrault) une musique grinçante, partagée entre de brûlants et cruels tangos à la manière d'un Astor Piazzolla (quand le célèbre Marcel Petiot commet des crimes ignobles dans sa cave en escroquant et en tuant des juifs désireux de fuir l'occupation allemande) et les envoûtantes atmosphères répétitives typiques de son style filmique.

Michel Portal retrouve le couple Nathalie Baye et Gérard Depardieu dans La machine(1994), thriller de science-fiction de François Dupeyron. Pour La machine , il va plus loin encore dans l'évocation de la terreur avec un étrange thème principal basé sur une gamme ascendante. Il y incorpore des synthétiseurs et une section de cordes dont les arrangements signés par Philippe Briche rappellent parfois la période modale d'un Philippe Sarde. Le film n'est pas toujours à la hauteur des ambitions du cinéaste, mais les alliances timbrales de Portal et de Briche restent fascinantes. Pour le polar fantastique Les couleurs du diable (1997) - nouvelle collaboration avec Alain Jessua, il imagine d'étranges soupirs érotiques se mêlant à des rythmes africains (notamment lorsque la caméra s'attarde sur des dessins pornographiques) rejoignant ainsi les préoccupations vocales de Jacques Loussier dans Jeu de Massacre .

Plus récemment, on retrouve Michel Portal dans Te quiero (2001) de Manuel Poirier etLa Petite Chartreuse (2005) de Jean-Pierre Denis.

En grande partie toujours inédites en CD, les fascinantes bandes originales de Michel Portal ( Le retour de Martin Guerre Le viol Les chiens En toute innocence ...) n'ont pourtant rien perdu de leur force et de leur singularité.

Christian Texier

 

 

 

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