Né en 1930 et décédé en 1996 à Tokyo (Japon).
Ses B.O notables : Ran ( Akira Kurosawa , 1985) •
Toru Takemitsu est né à Tokyo le 8 octobre 1930, il restera toute sa vie profondément attaché à la nature, aux arbres, aux bruissements des feuilles et aux différents bruits aquatiques (pluie, océan...), autant d'impressions sonores qui marqueront durement sa musique. Malgré les quelques cours de composition qu'il prend à 18 ans avec Yasuji Kiyose, il apprend la musique essentiellement de façon autodidacte. En plus de ses racines japonaises, il restera influencé par certains compositeurs occidentaux comme Anton Webern mais surtout Claude Debussy et Olivier Messiaen dont il empruntera un goût prononcé pour le silence, les harmonies raffinées et les couleurs impressionnistes. En 1950, il compose sa première pièce pour piano nommée “ Lento in due movimenti ” tout en se passionnant pour différents arts comme la poésie, la peinture et le cinéma.
En 1951, il crée Jikken Kobo, groupe d'avant-garde, en collaboration avec des artistes comme Fumio Hayasaka. Il obtient un premier succès avec son Requiem(1957) pour ensemble de cordes. Débute alors pour lui une longue carrière de compositeur pour le concert (citons November Steps pour instruments traditionnels et orchestre, Quatrain pour quatre solistes et orchestre, A Flock Descends into the Pentagonal Garden pour orchestre, Tree lines pour ensemble, de la musique de chambre ainsi que de nombreuses pièces pour piano et pour guitare), avec de fréquentes incursions dans l'électronique ou la musique concrète ( Water Music en 1960, Kwaidan en 1964).
Prenant le contre-pied de la démarche puriste et élitiste de la plupart de ses collègues contemporains, il n'hésite pas à mettre son talent au service du 7ème art à partir du film Kurutta Kajitsu (1956), tout particulièrement en prenant soin de la qualité du mixage et de la bande-son, démarche partagée par un Michel Fano en France. Il écrit pour José Torres (1959) - documentaire sur le milieu de la boxe new-yorkaise, une partition à la fois marquée par le jazz urbain et le romantisme déclinant des premières oeuvres de Schönberg ou de Berg. En 1962, Il participe aussi au film à sketches L'Amour à vingt ans (avec d'autres compositeurs comme notamment Georges Delerue).
Le folklore japonais est souvent présent dans ses musiques de film comme dansSeppuku ( Harakiri , 1962) qui utilise un biwa, luth traditionnel typiquement nippon. Mais son travail sur le son lui fait également aborder les rivages de l'expérimentation bruitiste et électronique dans le fascinant Suna no onna ( La femme des sables , 1964) de Hiroshi Teshigahara où il parvient à évoquer le mouvement du sable qui coule par des glissandi de cordes dans des nuances pianissimi, comme s'il inventait une nouvelle écriture impressionniste avec les techniques de notre temps. Il use aussi dans le terrifiant Tanin no kao ( Visage d'un autre , 1966) de musiques plus grinçantes à la Kurt Weill voire carrément un pastiche de valse viennoise.
Dans Dodesukaden ( Dodes'kaden , 1970) de Kurosawa, il compose un thème simple et populaire avec harmonica solo dans un style presque hollywoodien. En 1973, son amour pour la nature lui inspire l'envoûtant score de Kaseki no mori (The Petrified Forest ) et il montre dans Kaseki ( Les fossiles , 1975) un goût toujours aussi prononcé pour les sons secs, les bois et les cordes pincées évoquant des atmosphères bucoliques et debussystes.
Le mélodrame Hanre Goze Orin ( Orin la proscrite , 1977) de Masahiro Shinoda, dévoile un style plus proche de ses compositions pour le concert, fait de touchantes mélodies évanescentes entrecoupées de quelques étranges fragments pour bois et percussions. Tandis que le tragique et quasi webernien Ai no borei ( L'Empire des passions , 1978) de Nagisa Oshima, égrène de sombres ostinatos obsédants. C'est la même ambiance pesante que l'on retrouve sur Torso (1983).
Le célèbre cinéaste Akira Kurosawa lui permet d'écrire l'un des sommets de sa carrière filmique pour Ran (1985) fresque épique co-produite par Serge Silberman, et interprété par l'orchestre symphonique de Sapporo sous la direction de Hiroyuki Iwaki (avec Hiroyuki Koinuma au Shinobue - une sorte de flûte). Inspiré par des fragments de Mahler (dont le Chant de la terre et la Première symphonie) et de Grieg, Takemitsu signe un score ample, déchirant et aussi exceptionnel que celui de Alexandre Nevski de Serge Prokofiev.
En 1989, il livre un autre grand score pour Kuroi ame ( Pluie noire ) - film décrivant les méfaits de la bombe atomique à Hiroshima, et signe la bande originale de Rikyu de Hiroshi Teshigahara, film historique pour lequel Takemitsu offre une partition peu thématique, parsemée d'étranges mesures atonales et traversée par quelques réminiscences de musique baroque.
Le film américain Rising Sun ( Soleil levant , 1993) de Philip Kaufman figure parmi ses tout derniers films lorsque Charlotte Zwerin réalise un documentaire sur ses travaux pour le cinéma dans Music for the Movies: Toru Takemitsu (1994). Après la bande originale de Sharaku (1995), il décède le 20 février 1996 dans sa ville natale.
Compositeur majeur de notre temps, il a obtenu de nombreux prix comme le Prix de Musique de l'UNESCO-IMC en 1991 et le University of Louisville Grawemeyer Award en 1994.
Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)