Cinezik : Quel est votre parcours avant de signer la musique du film de TIMBUKTU ?
Amine Bouhafa : J'ai commencé la musique très tôt. A l'âge de trois ans, je jouais du piano. J'ai eu mon diplôme de musique à l'âge de 12 ans au conservatoire de Tunis. Puis je suis venu à Paris pour faire des études d'orchestration et de composition. En parallèle, j'ai fait des études préparatoires Mathématiques Supérieures & Mathématiques Spéciales, une école d'ingénieur et des cours de MBA & de finance aux Etats-Unis. Maintenant, je suis compositeur de musique de film.
Comment vous êtes-vous rencontré avec le réalisateur Abderrahmane Sissako ?
A.B : On s'est rencontré via des amis, via des connaissances, notamment qui ont travaillé sur le film. C'est la première fois que Abderrahmane fait appel à un compositeur, il a souvent travaillé sur des musiques existantes. Et c'est la première expérience pour moi. C'est enrichissant parce que le cinéma d'Abderrahmane est un cinéma très poétique, dans la retenue, on n'est pas dans un cinéma très direct, c'est très subtil, donc la musique aussi.
Justement quelle devait être la place de la musique dans le film ?
A.B : L'emploi de la musique devait être avec une certaine distance par rapport aux images, pour un côté de sublimation. On n'est pas dans une musique qui va accompagner l'action, ou accompagner des événements du film. On est plutôt dans une musique au caractère un peu violent mais poétique à la fois. La musique vient adoucir le caractère violent, et sublimer un peu plus le caractère poétique du film.
Comment s'est fait le dialogue avec le réalisateur ?
A.B : On a presque jamais parlé musique, on a jamais parlé d'instruments, de notes, d'atmosphères musicales. L'échange était plutôt sur les émotions, les raisons de faire ce film. On a parlé des messages qu'il voulait faire passer, des lieux de tournage, et on a aussi parlé de l'orientation artistique générale qui était de partir de couleurs plutôt locales, d'une identité sonore locale plutôt world, ethno et de l'accompagner avec un arrangement plus occidental, plus universel, avec un arrangement symphonique, avec un orchestre.
Quelle est l'instrumentation choisie pour votre partition ?
A.B : En terme d'instrumentation, il y a des Koras (une sorte de harpe malienne), on avait des ngounis (guitares maliennes), on avait du oud, du duduk, de la clarinette, des percussions, et tout cela baignait dans un accompagnement orchestral avec des cordes, des bois, du piano. C'est un mélange d'identités locales et de tendances plutôt universelles.
Concernant le placement des musiques, était-ce précisement déterminé dés le départ ?
A.B : Cela a été déterminé au début du montage de certaines séquences phares du film, notamment la séquence de la danse du foot sans ballon (parce que le ballon est interdit, donc il y a une équipe de foot locale qui joue du foot sans ballon dans une sorte de chorégraphie, c'est une scène mythique du film). Sur cette scène, il y a un orchestre symphonique qui joue une danse pour accompagner cette chorégraphie, une sorte de danse symphonique.
Sinon, le spotting a été fait au fur et mesure que le film se construisait, certaines musiques se sont ajoutées. Abderrahmane n'était jamais fermé aux propositions. C'était une collaboration, on ne s'était pas dit "bon, il y a cinq scènes, on ne va faire que ces cinq scènes-là".
Qu'appréciez-vous dans le fait de composer la musique pour un film ?
A.B : Ce que j'apprécie, c'est d'avoir une construction globale tout au long du film, d'avoir une ligne conductrice qui puisse tenir le film, malgré que l'on puisse avoir bien sûr des fresques, des bouts. Pour cette ligne directrice, il y a la mélodie, la thématique, qui va apporter cette construction, cette structure, avec des arrangements différents, des couleurs, des atmosphères qui viennent un peu changer le thème ou donner une autre vision de la mélodie principale.
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