derniere-vie-de-simon,erwann_chandon, - Interview BO • LA DERNIÈRE VIE DE SIMON : Erwann Chandon, Léo Karmann, Sabrina B Karine Interview BO • LA DERNIÈRE VIE DE SIMON : Erwann Chandon, Léo Karmann, Sabrina B Karine

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Propos recueillis par Benoit Basirico - Publié le 05-02-2020




Erwann Chandon signe la musique du très réussi premier film de Léo Karmann (LA DERNIÈRE VIE DE SIMON qui est sorti le 5 février), une histoire fantastique où la partition orchestrale s'autorise de belles envolées lyriques. Le compositeur, le réalisateur, et la co-scénariste Sabrina B Karine relatent l'aventure de la conception de cette musique. Ils évoquent notamment la recherche d'émotion. 

Avec le Podcast dédié en écoute, entretien enregistré dans les Studios de Aligre FM

Cinezik : Erwann, quel regard avez-vous sur votre parcours en musique de film ? Il y a aujourd'hui une nouvelle génération bien présente, un renouveau, avez-vous conscience d'être dans un bon timing ?

Erwann Chandon : Oui, j'en ai conscience, c'est une énorme chance, car j'ai suivi mon parcours simplement imposé par les rencontres et le hasard. Cela fait maintenant une dizaine d'années que j'essaie de mener ma barque dans ce monde de la musique de film. J'ai commencé par des courts-métrages, des documentaires, des pièces de théâtre... tout le temps en essayant de faire une musique qui me corresponde, ce qui n'est pas évident pour un compositeur de musique de film. On est quand même tributaire d'un projet plus grand que nous. Petit à petit, j'ai essayé d'aiguiller mon parcours en me fermant des portes. Quand on me demandait de composer une musique qui ne me correspondait pas, j'ai eu tendance à refuser de plus en plus, ce qui m'a orienté vers les personnes qui voulaient vraiment travailler avec moi et pour ce que j'aime faire, c'est-à-dire la musique symphonique.

Est-ce que vous considérez que l'écriture savante est un incontournable pour faire de la musique de film ?

E.C : Ce qui est magique avec la musique de film, c'est qu'il y a de la place pour tous les styles. Pour des compositeurs qui veulent être des caméléons, ils peuvent le matin composer dans le style de Jean-Sébastien Bach, et l'après-midi on vous demande de faire un pastiche de NTM. Je suis admiratif par rapport à la diversité de toutes les musiques dont il y a besoin dans le cinéma. Et au-delà du cinéma, je trouve très sympa que chacun puisse s'exprimer avec son langage. Je ne viens pas d'un parcours classique. A 20 ans, je ne savais pas écrire la musique. Là j'en ai 34 et je sais que c'est la musique symphonique qui me plaît et il a fallu que j'apprenne à la faire. A la base, je suis batteur métal, mais j'ai toujours été attiré par la musique de film, j'ai découvert ça tout petit, j'avais un vinyle avec les grandes musiques de western, Morricone bien sûr, c'est cela qui m'a attiré. Egalement plus tard Titanic. Et entre-temps j'étais batteur. Je pratiquais de la musique dite actuelle. Pendant un moment je pensais que c'était ma carrière et à l'âge de 20 ans je me suis réorienté (Ndlr : classe de musique à l'image au Conservatoire de Lyon).

Pour ce projet là, l'écriture classique vous a bien servi, avec votre partition qui prend en charge le romanesque et l'émotionnel avec un film au contenu fantastique... C'était le projet de départ d'inscrire ce film dans le genre ?

Sabrina B. Karine (co-scénariste) : En écrivant, on pensait à des films qui ont bercé notre enfance, notamment les films des années 80 : Amblin, Spielberg, Zemechis, avec une envie de grandes émotions et d'envolées lyriques.

Face à ce type de projet, vous saviez donc très tôt que la musique allait être importante ?

S.K : C'est venu assez tôt en effet. À la base le réalisateur aime beaucoup la musique de film, donc on savait qu'il y en aurait. Mais c'est au fur et à mesure de l'épure des dialogues, en allant à l'essentiel et au cœur du film, que la musique a pris de plus en plus de place. Le film est devenu bavard par la musique.

Pour un film avec des adolescents, il est fréquent de convoquer des musiques préexistantes pour retranscrire leurs goûts musicaux, alors que là la seule musique est entièrement originale...

S.K : A tous les niveaux, on ne voulait pas inscrire des repères temporels dans le film. Notre intention était de se dire que le film pouvait se passer n'importe quand. La musique comme le reste sont juste au service du film et de ses émotions, et pas dans l'idée de l'ancrer quelque part.

Pour ce film, il y a différentes temporalités, le récit passant de l'enfance à l'adolescence... l'idée musicale était-elle de convoquer cette nostalgie ?

E.C : En effet, la BO est basée sur quatre thèmes, davantage des thèmes sur les faits que sur des personnages. Le thème de Simon est en fait le thème de son pouvoir. Ensuite le thème de Madeleine est plus le thème de l'amour. Et celui qui pourrait être le thème de la famille est le thème de la maison. On retrouve surtout cette nostalgie au début car Simon est enfant et on voit le monde à travers ses yeux. Il y a beaucoup de choses qui se passent dans l'orchestre, une musique d'abord lumineuse qui s'assombrit progressivement. On suit donc l'intériorité des personnages. La musique s'assombrit au fil de la narration.

Léo, quel rapport avez-vous avec la musique dans votre cinéma ?

Léo Karmann (réalisateur) : Je trouve la musique de film très importante, j'en écoute d'ailleurs beaucoup. J'ai toujours ça dans les oreilles. Cela me permet de me replonger dans les émotions d'un film.

Steven Spielberg est remercié au générique, l'idée était-elle de demander à Erwann Chandon de faire du John Williams ?

L.K : Évidemment. De toute façon avec Erwann on s'est rencontrés sur la passion commune de Williams. Mais également de Alan Silvestri. Ce sont des maîtres de l'orchestre et avec Erwann on a cette passion de l'orchestre, de cette musique jouée par des vrais instruments. Il y a quelque chose de vivant dans l'orchestre qui ajoute à l'émotion d'un film. Le cinéma que j'aime est un cinéma de spectacle, et les envolées lyriques sont là pour ça. Il faut trouver un équilibre entre l'histoire qu'on raconte et comment la musique va la soutenir. Il ne faut pas que la musique la dépasse et en même temps il faut qu'elle la soutienne, qu'elle soit à la hauteur de l'enjeu.

Est-ce que pour ce premier film qu'il était difficile de financer, l'orchestre était un problème ?

L.K : C'était compliqué. C'est un film avec un petit budget, et donc une musique orchestrale avec beaucoup de musiciens coûte de l'argent. L'idée était d'optimiser le nombre de musiciens pour le meilleur rendu souhaité. L'équipe qui entourait Erwann était très importante pour faire bien sonner cela.

À quel moment avez-vous fait intervenir Erwann ?

L.K : C'était bien avant le tournage. Généralement les compositeurs sont appelés sur un montage terminé, et ils ont entre un et trois mois pour composer une musique. Ils doivent souvent remplacer des musiques témoin placées au montage. Mais là ce qui était super c'est que Erwann a travaillé sur le film dès le scénario. Il a eu le temps de chercher, de se perdre dans plein de directions. on a eu le temps de chercher tous les deux. Puis on a eu tous les thèmes musicaux du film avant de commencer le tournage. Tous les comédiens et tous les techniciens, tous les artistes du film, avaient la musique du film dans les oreilles. Cela a permis de communiquer une envie et une ambiance à partir de la musique en terme émotionnel.

E.C : Nous sommes amis donc j'ai entendu parler de ce projet un an avant de lire le scénario. L'histoire me faisait rêver. Puis Léo m'a proposé ce projet. Il m'a demandé de faire un essai sur le scénario. J'ai fait ensuite plusieurs maquettes et là on est parti dans un ping pong de maquettes qui n'a pas cessé jusqu'au tournage. Ça a duré au total quatre ans. Je suis arrivé sur le projet en 2016. Comme je n'avais pas d'image derrière lesquelles me cacher, je n'avais aucune limite. J'ai proposé des arrangements très riches, cela m'a permis de sortir de mes sentiers battus. Je n'avais pas de deadline, vraiment aucune limite. J'ai fait aussi des erreurs, je suis parti dans de mauvaises directions, on pouvait se l'autoriser.

Vous étiez vous-même présent sur le plateau pour entendre votre musique jouée ?

E.C : On est allé sur le tournage avec Mylène Ballion qui a prêté sa voix à un morceau, pour s'imprégner de l'atmosphère du tournage. On a découvert que c'était une équipe très soudée.

Quel a été le processus entre la maquette et l'enregistrement d'orchestre. Vous savez orchestré vous-même, mais vous vous êtes entouré cette fois-ci ?

E.C : Oui car c'est la première fois que j'arrive à produire autant de minutes de musique. Il y a 1h05 de musique. Donc je n'avais pas envie de faire tout tout seul même si j'avais le temps pour le faire, surtout pour la phase de copie et d'orchestration, c'est-à-dire pour produire le matériel pour l'orchestre. J'avais envie d'être entouré de personnes qui avaient déjà fait cela, j'ai ainsi fait appel à Jehan Stefan qui est un orchestrateur qui travaille beaucoup.

Le film propose des ruptures de tons, il passe de la comédie à la romance en passant par le fantastique et le drame... mais la musique crée une unité à tout cela...

E.C : Quand il s'agit de faire la musique pour un personnage qui peut changer d'apparence, le rôle de la musique était de garder un fil rouge émotionnel tout au long de l'évolution du personnage. C'était le pari de départ, réussir à faire accepter ses pouvoirs surnaturels aux spectateurs, qu'il puisse s'autoriser à y croire, parce qu'émotionnellement ils sont rattachés aux personnages. C'est un des rôles principal confié à la musique de film de pouvoir aller chercher le spectateur au-delà de l'histoire avec ses tripes et son cœur.

Enfin, il y a une musique en générique avec la voix de Mylène Ballion qui avait déjà conçu une chanson sur L'ANNÉE POLAIRE (2018)...

E.C : Cette chanson est apparue au moment où on voulait un côté conte dans la musique. On s'est aperçus que l'orchestre avait besoin d'une touche de féérie supplémentaire. À la fin, on avait besoin de revenir à la magie de l'enfance, avec la voix murmurée de Mylène, une voix utilisée comme un instrument, qui vient transpercer le cœur du spectateur à la fin du film.

 

Propos recueillis par Benoit Basirico

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