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Projection du long-métrage « J'invente rien » de Michel Leclerc (avec Kad Merad, Elsa Zylberstein, Claude Brasseur et Patrick Chesnais), musique originale de Jérôme Bensoussan (2006)
Sympathique comédie française, très bien écrite et à l'interprétation époustouflante (mention spéciale à Elsa Zylberstein dans un registre qu'on ne lui connaissait pas, en jeune artiste libre et délurée) dans cette touchante histoire où un trentenaire « branleur » (tel qu'il se définit lui-même) s'invente un but dans la vie (inventer quelque chose, justement, qui lui apporte argent et reconnaissance sans trop se fouler) pour tenter de rééquilibrer son couple (où c'est surtout madame qui fait tout). Scénario brillant, porté par une mise en scène simple et intimiste (le réalisateur avoue en avoir bavé pour boucler le budget – ceci explique cela) et une musique tantôt guillerette, tantôt plus dramatique, mais toujours faite de bric et de broc, avec trois fois rien (le compositeur a lui-même expérimenté plusieurs instruments, dont certains qu'il ne connaissait pas). Naturellement le script n'évite pas l'écueil des bonnes intentions, mais il en résulte pourtant un film drôle et émouvant, simple et efficace (peut-être un peu simpliste ?), sans prétention, dédié essentiellement à des personnages extrêmement touchants. Malheureusement le film est déjà sorti (en août 2006) et est passé totalement inaperçu (seulement 50 000 entrées pour 70 copies). Une comédie faite avec autant d'amour méritait mieux : Aubagne ne fait que remettre le film à sa place !
Deux heures avec la master class de Robert-Marcel Lepage…
Déjà une semaine que les différents compositeurs de cette master class, provisoirement élèves de Robert Marcel Lepage (compositeur québecois ayant signé plus de 90 musiques de films), jouent ensemble sur plusieurs films sélectionnés par le maître. Deux des jeunes sélectionnés sont eux même québécois, les six autres étant pour la plupart de Paris. Une évidente émulation créative collective est déjà visible, chacun n'hésitant pas à donner des conseils à l'autre.
Chacun à son instrument (piano, basse, guitare, violoncelle ou trombone – Robert assurant lui-même la clarinette), le groupe improvise ou dirige chacun à son tour l'ensemble de ce petit orchestre déjà bien rôdé, en préparation du ciné-concert qui clôture le festival. Plus que trois jours de répétition avant la représentation finale. Aujourd'hui, après avoir travaillé sur deux courts-métrages canadiens et un film expérimental, les élèves s'essaient au film d'animation (à leur demande unanime !), plus précisément un épisode de la série animée « Allez raconte » produite par Les Armateurs et adaptée d'une bande dessinée de Lewis Trondheim. C'est Robert qui en avait signé les musiques, aidé par son assistant et ingénieur du son Patrick, présent ici pour enregistrer les travaux réalisés et piloter l'image à l'écran.
Les épisodes sont courts mais très rythmés (le tout étant porté par des dialogues pimentés joyeusement interprétés par Dany Boon), où un jeune papa affublé de deux marmots qui ne veulent jamais aller se coucher est obligé à chaque fois de leur raconter une histoire extraordinaire avant d'aller au lit. Ici, il est question d'une princesse « au bois flottant » qui bronze sur les plages et d'un surfeur frimeur. Le ton est drôle et décalé : la musique aussi. Le groupe improvise un swing délirant où sifflet et pipeau sont en avant-plan, tandis que les guitares rythment l'ensemble. L'exercice est difficile car la synchronisation à l'image doit être parfaite et que les plans se succèdent très vite : par ailleurs seul Robert dispose d'une partition griffonnée par un élève compositeur au début de la séance (notes progressivement changées et améliorées au cours du processus de création de la musique, chacun y apportant son grain de sel). Au bout d'une heure de tâtonnements, le groupe parvient néanmoins à se coordonner et à se caler assez précisément sur les images, le film étant d'abord projeté sans son, puis ensuite avec les dialogues pour une meilleure synchronisation.
L'après-midi, petit break : une rencontre avec le compositeur français Cyril Morin (membre du jury long-métrage) est organisée pour le groupe. L'occasion pendant deux heures de parler avec un autre professionnel de la musique de film avant de reprendre le travail du matin afin d'être prêts pour les répétitions générales du jeudi et du vendredi.
par Alkis Argyriadis et Franck Chapelat / Colapsus - www.colapsus.com
« Ces dix jours de master class intitulés "Fils de musique pour films à tisser", dirigés par Robert M. Lepage, nous ont d'ores et déjà beaucoup apporté.
Fort de sa très grande expérience en matière de musique de film, Robert a d'abord mis l'accent sur l'importance d'instaurer un dialogue de qualité avec le réalisateur. Sur le plan musical, il a notamment pu faire l'éloge de la sobriété, et nous a démontré les vertus d'une improvisation organisée en nous poussant à confronter des idées de prime abord hétérogènes (un motif rythmique d'untel sur une mélodie imaginée par tel autre, avec une texture sonore particulière ici, etc..), stimulant toujours davantage les imaginations.
Nous étions huit compositeurs sélectionnés tous avec des profils très différents, et on a pu néanmoins très vite trouver notre place dans cet orchestre éphémère. Robert nous a amenés à bousculer nos méthodes de travail personnelles et à créer en groupe, chacun tour à tour dirigeant les autres, ou bien improvisant en petit groupe pour créer de la matière musicale, avant même de savoir à quoi elle pourrait bien servir.
Au final on a composé et arrangé de manière intensive des musiques pour plusieurs court-métrages, dont quatre interprétés tous ensemble sur scène lors de la soirée de clôture du festival. Professionellement très enrichissante donc, la master-class aura représenté également pour nous tous une experience singulière dans notre parcours, avec de belles rencontres musicales et humaines. »
Compositeurs participants à la master-class :
- Delphine Measroch (violoncelle & accordéon) - Québec (voir son site)
- Grégoire Auclerc-Galland (basse & percussion) - France (voir son site)
- Alkis Argyriadis (guitare) - France (voir son site)
- Franck Chapelat (claviers) - France (voir son site)
- Maxime Goulet (guitare) - Québec (voir son site)
- Wajdi Cherif (piano) - France (voir son site)
- Laurent Pierquin (trompette, guitare, piano) - France (voir son site)
- Samuel Safa (percussion, guitare) - France (voir son CV)
Projection du long-métrage « VHS Kahloucha » de Nejib Belkadhi (2006).
Un documentaire un peu hors-normes, situé entre la chronique sociale d'une petite ville de Tunisie où sévit un réalisateur de films amateurs improvisés, Kahloucha, et le reportage « à la Strip-tease » (célèbre émission de France 3 diffusant des documentaires sur des individus aux passions et aux activités décalées et originales - souvent ça fait peur !). Pendant une heure trente, le réalisateur suit le parcours de ce passionné d'Alain Delon et de Jean-Paul Belmondo (mais aussi de Bruce Lee ou de Clint Eastwood – entre autres !) filmant avec une vieille caméra VHS des nanars faits de bric et de broc, où le second rôle est donné à un voisin du quartier tandis que les cousins assurent la figuration. Le résultat de ce travail amateur est à la fois hilarant et attendrissant, le film faisant la quasi-unanimité des habitants de la ville et de ses alentours, chacun reconnaissant un ami ou un voisin à l'écran, quand il n'éclate tout simplement pas de rire au vu des situations nanardesques du personnage de « Tarzan des Arabes » (titre véridique !). Le documentaire en profite pour dresser le portrait d'une ville tunisienne où sévit le chômage et le rejet des femmes (une actrice est persécutée par son mari qui veut lui interdire de tourner – lequel mari, plus tard, assure la promotion du film avec son haut-parleur du marché !). La musique du groupe « Neshez », melting-pot rythmé et incongru, permet au film de rester entraînant du début à la fin. Des personnalités paradoxales et intrigantes traversent le film (comme ces jeunes paumés, ravis de tourner un film, qui finissent en prison 5 mois après le tournage…). Si le réalisateur n'assume peut-être pas complètement le propos social du film, très ambigu mais juste effleuré (qui aurait mérité un plus ample approfondissement), il en résulte une œuvre décalée et drôle, qui évoque de grands moments de bonheur au cœur d'une Afrique au bord du gouffre.