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Ce DVD réunit deux documentaires réalisés par Joshuah Waletzky autour de la musique de film hollywoodienne. Le premier, Bernard Herrmann, Music for the movies, présente le travail et la personnalité du compositeur d'Hitchcock. Le second est autour du "son hollywoodien" initié par les grands maîtres du Golden Age américain des années 30 et 40 (David Raksin notamment).
Naïve publie dans ce DVD deux documentaires réalisés par Joshuah Waletzky autour de la musique de film hollywoodienne. Le premier, Bernard Herrmann, Music for the movies, présente le travail et la personalité de celui qu'on appelait "Benny" dans la profession, avec notamment des interventions de David Raksin ou d'Elmer Bernstein (extraits de films à l'appui, beaucoup de génériques de débuts, d'autres extraits qui illustrent leurs propos, des photos)...
Parmi les nombreuses anecdotes délivrées, la première femme du compositeur explique qu'il a commencé à jouer du violon dès huit ans, comme beaucoup d'enfants juifs de sa génération : son professeur voulait lui faire jouer RUSTLE OF SPRING, mais le petit Bernard, en rebelle qu'il était, voulait jouer un morceau plus sombre, et a fini par casser son violon sur la tête du prof qui ne voulait pas céder.
Des spécialistes (musiciens, journalistes) expliquent l'originalité de l'écriture d'Herrmann pour l'image, qui n'avait rien d'exceptionnelle en soi mais qui a révolutionné le rapport de la musique au cinéma, ou comment des petits motifs répétitifs ou des cellules musicales simples et efficace rendaient sa musique d'autant plus imporessionnante à l'image. Herrmann avait le culot de mettre le paquet au bon endroit au bon moment alors que beaucoup d'autres s'y seraient cassés les dents à chercher un thème raffiné ou une orchestration subtile. Le monteur de Citizen Kane explique aussi qu'Herrmann se disputait avec beaucoup de gens, il ne faisait pas partie d'Hollywood, qu'il détestait tout autant qu'il détestait la musique de film hormis celle qu'il composait ! C'était "le virtuose de la colère imprécise".
Le documentaire présente quelques rares images d'archives du compositeur avec sa famille ou en interview, ainsi que quelques interventions de musiciens qui ont enregistré avec lui. Arrivent les films d'Hitchcock vers le milieu du documentaire. Analysé mille fois, son cinéma n'a pourtant de sens, essentiellement, que par la musique d'Herrmann (notamment dans Psychose, ici longuement évoqué). On y apprends par exemple qu'Hitchcock ne voulait pas de musique sur les scènes de la fuite en voiture ni même (encore plus étonnant !) pour la fameuse scène de la douche ! Ou comment Herrmann a eu une influence cruciale dans la mise en scène du maître anglais, aujourd'hui encore probablement surestimé, avant d'évoquer leur rupture brutale (témoignages émouvants de ses musiciens), probablement dû à l'ego d'Hitchcock lui-même qui n'a jamais vraiment voulu reconnaître l'apport énorme de la musique d'Herrmann dans ses films, et donc son succès. Moment fort : la scène du meurtre dans Le Rideau Déchiré, sans musique dans le film, présentée ici avec la musique initialement composée par Herrmann.
L'on a droit aussi à quelques images exceptionnelles des sessions d'enregistrement de La mariée était en noir en présence de François Truffaud, qui fut assez déçu par la musique trop sérieuse de Bernard Herrmann. Le documentaire principal se termine sur les propos de Martin Scorsese autour de sa collaboration avec Herrmann sur TAXI DRIVER, la dernière musique de film composée par le maître.
Bref, un documentaire passionnant qui évoque autant la méthode d'écriture d'Herrmann et son approche de la musique de film que sa personnalité en tant qu'artiste. Réalisé en 1992, on regrette seulement que ce film n'évoque pas l'influence de la musique d'Herrmann dans un cinéma plus contemporain (avec par exemples les propos de compositeurs tels que John Williams ou d'autres comme Danny Elfman pour qui Herrmann a toujours été une référence), mais fait néanmoins figure de document indispensable pour qui souhaite découvrir cette personalité du cinéma en trois quart d'heure.
En bonus du documentaire sur Bernard Herrmann, un autre documentaire de Joshuah Waletzky autour du "son hollywoodien" initié par les grands maîtres du Golden Age américain des années 30 et 40.
Ainsi c'est David Raksin en personne qui intervient régulièrement (dernier représentant - encore vivant en 1994 - de cet âge d'or). Le compositeur parle longuement de son travail sur Laura d'Otto Preminger, tandis que John Mauceri, chef d'orchestre qui a ré-enregistré de nombreux scores hollywoodiens de cette époque, parle de Max Steiner (Autant en emporte le vent, Casablanca, Johnny Belinda), de Erich Wolfgang Korngold (Robin des Bois), ou de l'inévitable Alfred Newman (Le Chant de Bernadette, Quasimodo) que Raksin a également fréquenté, alors que le fils de Max Steiner évoque la "blue note", inspirée du jazz et qui évoque la mélancolie (notamment chez Newman).
Ce documentaire, parfois très pointu, permet au passionné de la musique hollywoodienne de rentrer dans le vif du sujet, avec des propos parfois assez techniques, mais très instructifs (extraits à l'appui). Un film donc plutôt réservé aux spécialistes ou aux amoureux du Golden Age et des techniques des compositeurs de l'époque.
John Mauceri (qui a également dirigé la "Serenada Schizophrena" de Danny Elfman) y évoque le côté universel de la musique hollywoodienne, car inspirée des musiques du monde (ici : russie, galloise, allemande, etc)... Le documentaire se termine sur une longue scène de Laura (1944) enregistrée par Mauceri sous le supervision de David Raksin, 50 ans après avoir composé la musique. Joli moment d'émotion.
SYLVAIN RIVAUD
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