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musique-cinema-binh, - N.T Binh présente son expo 'Musique et Cinéma' N.T Binh présente son expo 'Musique et Cinéma'

musique-cinema-binh, - N.T Binh présente son expo 'Musique et Cinéma'

Interview réalisée le 13 février 2013 par Benoit Basirico - Publié le 13-02-2013




Le critique de cinéma N.T Binh est le commissaire de l'exposition "Musique et Cinéma, le mariage du siècle ?" qui se tient à la Cité de la musique du 19 mars à août 2013. Il se présente tout en révélant certains contenus de cette exposition unique en son genre ! 

 Voir le programme et le détail sur l'Exposition "Musique et Cinéma" de la Cité de la musique.

 

Interviews - N.T Binh

"SI VOUS AIMEZ LE CINÉMA, IL Y A AU MOINS UNE MUSIQUE DE FILM QUE VOUS AVEZ AIMÉE DANS VOTRE VIE"

 

Cinezik : Tout d'abord, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

N.T Binh : Je suis critique de cinéma. J'écris dans la revue "Positif" sous le pseudonyme de Yann Tobin. J'étais déjà très cinéphile quand j'étais enfant. J'enregistrais le son des films dans les salles, ou avec un câble pour les films à la télévision. Puis je me repassais les bandes-son. Très souvent, pour les classiques surtout, les films commençaient par un générique où il y avait de la musique. J'achetais aussi des BO en vinyle (à l'époque). On commençait à ce moment-là à redécouvrir les musiques de films américaines ou françaises ré-enregistrées avec des orchestres. Pour moi, l'amour du cinéma est lié à l'amour de la musique de cinéma.

Y a t-il une place à la musique de film dans vos supports rédactionnels ?

NTB : On fait souvent à Positif des entretiens de compositeurs, ainsi que des dossiers sur la musique de film. Par ailleurs, j'ai nourri une passion depuis toujours pour la comédie musicale, pour les films avec de la musique intégrée au récit. Mais je ne me considère pas comme un spécialiste de la musique de film. Je suis un critique de cinéma qui s'intéresse à tous les aspects du cinéma, y compris de la musique. Je n'ai pas écrit de livres sur la musique de film. Un ouvrage accompagne l'exposition à la Cité de la musique, telle une sorte de catalogue, que je dirige. Mais je n'aurais pas pu le rédiger en entier. Je ne suis vraiment pas un spécialiste à proprement parlé de la musique de film.

Parlez-nous de votre activité de commissaire d'exposition ?

NTB : Je me suis spécialisé dans ce genre d'expo un peu par hasard. J'avais fait un livre sur Paris au cinéma et la Mairie de Paris a voulu (en 2006) adapter ce livre et en faire une expo. A la suite de cela, j'ai été commissaire d'autres expositions, soit entièrement sur le cinéma, soit partiellement, comme celle sur Jacques Prévert à l'Hotel de Ville à Paris (en 2008) qui s'intéressait à tous les aspects de l'artiste dont le cinéma. Et là, je me suis rendu compte qu'être commissaire d'exposition, c'était autre chose qu'être critique ou réalisateur de documentaire. C'est une activité avec ses propres spécificités. Puis les expositions sur le cinéma, c'est encore une autre spécificité qui est en train de se développer, avec les expositions de la Cinémathèque Française notamment. Je suis donc devenu un spécialiste de commissariats d'exposition sur le cinéma. Le fait d'être commissaire d'une exposition sur le cinéma est une chose relativement récente. Avant la grande exposition "Hitchcock et les autres arts" de Dominique Païni à Beaubourg (en 2001), il y avait très peu d'expositions sur le cinéma. Il y avait le Musée du cinéma, et des collections exposées dans des cinémathèques, mais des expositions vraiment sur le cinéma, sur un aspect du cinéma ou sur un cinéaste, c'est relativement récent.

Comment a émergé l'idée d'une exposition sur la musique de film ?

NTB : Il se trouve qu'à la Cité de la Musique, il n'y a que des expositions sur la musique. Il y a eu une envie réciproque de travailler ensemble sur ces deux arts (le cinéma et la musique) qui ne sont a priori pas fait pour être exposés. L'exposition s'appelle donc "Musique et Cinéma, mariage du siècle ?", et s'intéresse aux rapports entre la musique et le cinéma, à toutes les relations. Cela aurait pu n'être qu'un aspect (comme filmer la musique), mais on a voulu aborder la coexistence pacifique (ou pas) entre la musique et le cinéma.

Comment avez-vous trouvé un angle d'approche pour un sujet si vaste ?

NTB : Le vrai pari du contenu de cette exposition, par rapport à l'immensité du sujet traité, était de faire tenir dans un espace restreint tous les aspects. Aborder la musique et le cinéma revient finalement à traiter de toute l'histoire du cinéma. Il y a finalement peu de films sans musique. C'est l'exception. Il a fallu trouver une idée de parcours qui évite l'énumération exhaustive, tout en ne frustrant pas le visiteur qui peut s'attendre à voir ou entendre des choses incontournables. L'idée maîtresse didactique du parcours est que la musique peut jouer un rôle et peut intervenir à toutes les étapes de la genèse de la réalisation d'un film. La musique peut même intervenir avant que le scénario soit écrit. Elle peut intervenir au moment du scénario dans lequel il y a des scènes où elle joue un rôle (et pas forcément uniquement la biographie de musicien comme "Amadeus", ou la comédie musicale adaptée de l'opéra). Si on prend par exemple "L'homme qui en savait trop" de Hitchcock, les deux versions, il y a une chanson et un concert qui ont un rôle important alors que c'est un film policier. La musique peut donc intervenir avant et pendant l'écriture du scénario, puis ensuite sur le tournage, comme des musiques filmées et présentées sur le plateau, parce qu'un personnage est musicien, ou parle que le lieu est musical (boîte de nuit, salle de concert, salle de bal), ou parce que le cinéaste a demandé à son compositeur d'écrire la musique en amont pour pouvoir donner aux acteurs l'ambiance et le rythme des scènes. Évidemment, en post-production, la musique intervient de façon plus naturelle, plus habituelle. Quand le montage est fini, on appelle le musicien et on repère avec lui le minutage des scènes où il y a la nécessite d'une musique. Le musicien compose ensuite et fait orchestrer. Il a besoin d'arrangements pour se conformer au minutage qu'on attend de lui, l'enregistre. Elle est montée dans le film, parfois déplacée, coupée et mixée. Cela peut être frustrant pour le musicien qui voit sa musique transformée sans qu'il ait son mot à dire. Ou au contraire les metteurs en scène la magnifient car ils l'ont bien comprise. Le rôle de la musique ne s'arrête pas là : une fois que le film est sorti, la musique accompagne la promotion du film, parfois dans la bande annonce, et dans certains cas la musique devient plus célèbre que le film. Je suis sûr qu'il y a des gens qui sifflotent dans la rue des airs sans savoir que ce sont des musiques qui ont été écrites pour le cinéma.

Qu'est-ce qu'on expose quand on fait ce genre de manifestation ?

NTB : En effet, ni la musique ni le cinéma ne sont à l'origine faits pour être exposés. On va donc exposer ce qui est lié au cinéma et à la musique, comme des extraits de films et des témoignages, parfois rares, de compositeurs et réalisateurs sur leur façon de collaborer ensemble. Cela reste de l'image animée. On est aussi parti à la recherche d'éléments visuels pouvant évoquer le mariage de la musique avec le cinéma, comme des photos de films, de scènes célèbres contenant de la musique, d'acteurs jouant des rôles de musiciens, ou des photos de tournages, avec des compositeurs rendant visite à l'équipe de tournage pour se mettre dans l'ambiance du film. Il y a aussi des photos de réalisateurs assistent à des sessions d'enregistrement de la musique du film. Ce sont des choses assez rares car il y a rarement un photographe présent pour ces moment-là. On fait des recherches pour en trouver des spectaculaires comme un écran projetant l'image d'un film avec devant un orchestre symphonique. Il y a des images poétiques qui vont rester de cette exposition. Il y a aussi des affiches, des photos de plateau, des partitions, des documents de travail. Il y a quelques décennies il y avait une industrie florissante de la publication de partitions. Cela a été remplacé par la musique qu'on écoute. Il y a aussi des partions originales manuscrites de la main du compositeur, par exemple les archives Nino Rota nous ont prêté la partition du thème du "Parrain" et celle du "Guépard".

A qui s'adresse cette exposition, au grand public ou aux connaisseurs ?

NTB : La cible de l'exposition est la plus large possible. C'est une exposition qui peut très bien avoir un rôle d'initiation à l'importance de la musique dans un film, ce qui veut dire qu'elle s'adresse à tous les gens qui aiment aller au cinéma. Si vous détestez le cinéma, vous n'irez pas voir une exposition sur la musique de film. Mais en principe, si vous aimez le cinéma, il y a au moins une musique de film que vous avez aimé dans votre vie. Donc, est-ce que vous allez la retrouver dans l'expo, c'est là que je dois répondre aux attentes. Je veux aussi que ceux qui s'y connaissent, les spécialistes et professionnels, y retrouvent un peu de leur identité, de leur travail, de la façon dont leur art peut se mélanger à un autre art. Pour un compositeur, c'est la façon dont la musique peut dialoguer avec le cinéma, qu'il puisse retrouver ce dialogue dans l'exposition.

Y a t-il des éléments ludiques faisant participer le visiteur ?

NTB : Il y a de l'interactivité dans l'exposition. Il y a des salles où le visiteur peut remettre sur des images une musique qui a été rejetée par le réalisateur. Par exemple, il y a une scène dans "The Artist" où Michel Hazanavicius a utilisé la musique d'un film de Hitchcock, "Vertigo". Elle devait au départ être une musique temporaire, mais elle est finalement devenue définitive pour une scène du film pour laquelle la partition écrite par Ludovic Bource n'a pas été retenue. Le visiteur de l'exposition peut voir la scène avec la musique originale que Ludovic a écrite. Le visiteur peut choisir d'écouter soit la musique de "Vertigo", soit la musique originale. Dans une autre salle consacrée au mixage, il y a trois séquences de film récents où le visiteur peut sur-mixer ou sous-mixer la musique, enlever les dialogues ou enlever la musique. 
Ainsi, notre but n'est pas uniquement le plaisir du spectateur, même si l'exposition se termine avec une grande projection d'extraits où la musique joue un rôle important, mais aussi de montrer comment une scène peut se vivre totalement différemment en fonction de la musique et de son mixage.

Avez-vous pensé à équilibrer les époques et les origines géographiques des compositeurs présents ?

NTB : On est majoritairement franco-américain parce que la musique hollywoodienne a imposé ses canons que la musique française a remis en question. Ce dialogue est présent dans l'exposition. Mais il y a aussi beaucoup de musiques de films italiens ou de compositeurs italiens. La musique est facilement internationale. Des compositeurs italiens comme Morricone ou français comme Desplat peuvent faire carrière dans plusieurs pays. A partir du moment où ils comprennent le langage cinématographique, leur musique n'a pas de spécificité linguistique. On rétablit un équilibre dans la grande projection finale avec des films indiens, allemands, ou japonais. 
Quant aux époques, l'histoire du cinéma est tellement vaste, et les exemples tellement nombreux dans le cinéma des années 20, 30, 40... qu'il y avait le piège d'être uniquement tourné vers le passé. On a essayé de rétablir un présent dans les témoignages filmés et dans les exemples de films. Par exemple, sur l'écran qui diffuse des génériques, il y a le générique de "Drive" et celui de "Dans la maison" de Ozon. Il y a un espace sur les grands tandems cinéastes/compositeurs avec des entretiens croisés. Il y a alors des extraits d'une Master class d'Alexandre Desplat avec Jacques Audiard à Cannes il y a quelques années. On a essayé de prendre dans chaque genre, pays et période. Quand on aborde un sujet aussi vaste, on est obligé de picorer. On a essayé d'éviter la fragmentation ou la mosaïque. Quand on est dans un exemple, on le suit jusqu'au bout quitte à citer d'autres films en parallèle.

Interview réalisée le 13 février 2013 par Benoit Basirico

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