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,@,alhambra,cristal-records,soeursjumelles, - Visite de l’Alhambra, studio de Rochefort dirigé par Éric Debègue (Cristal Records, co-fondateur du Festival Soeurs Jumelles) Visite de l’Alhambra, studio de Rochefort dirigé par Éric Debègue (Cristal Records, co-fondateur du Festival Soeurs Jumelles)

,@,alhambra,cristal-records,soeursjumelles, - Visite de l’Alhambra, studio de Rochefort dirigé par Éric Debègue (Cristal Records, co-fondateur du Festival Soeurs Jumelles)


Propos recueillis par Benoit Basirico

- Publié le 27-06-2023




A l’occasion du Festival Soeurs Jumelles, Xavier Ferrand, régisseur général du studio, nous fait visiter le studio créé et dirigé par Éric Debègue (Cristal Records). L’Alhambra Studios, situé à Rochefort, logé dans un ancien cinéma art-déco façade, est un lieu exceptionnel qui réunit un studio d’enregistrement, un auditorium de bruitage, un auditorium de mixage, 5 salles de montage et un espace VFX.

Quelle est l'histoire de ce lieu, l'Alhambra ?

Xavier Ferrand : À l'origine, ce lieu était un théâtre, puis il est devenu un cinéma, inauguré en 1901, l'un des premiers cinémas des Frères Pathé. Le lieu a connu plusieurs métamorphoses ; sa dernière incarnation en tant que cinéma fut marquée par la projection des "Demoiselles de Rochefort". Ils tournaient le film Place Colbert, à proximité, et Jacques Demy venait ici pour visionner les rushes. Nous avons effectué d'importantes rénovations, car auparavant, la cabine de projection se trouvait dans un autre endroit et il n'y avait pas de mezzanine, que nous avons ajoutée.

Quel est l'historique de votre installation ici ?

Nous avons pris nos quartiers ici en 1988. François Gaucher, ingénieur du son, et son associé Eric Debègue, réalisaient des enregistrements dans de petits lieux, notamment à Fouras, une des villes voisines. Un jour, le directeur du conservatoire de Rochefort, souhaitant enregistrer un Big Band, leur dit : "Les gars, j'aimerais réaliser cet enregistrement avec vous. Cependant, pour accueillir un Big Band, je connais un lieu, un ancien cinéma désaffecté. Nous pourrions demander à la mairie de nous prêter les clés pour une semaine afin de nous y installer et de réaliser l'enregistrement." La mairie accepta et, finalement, nous ne sommes plus jamais repartis. Par la suite, nous avons travaillé sur l'acoustique du lieu.

Le cœur du lieu est le Studio Lalo Schifrin, dédié à l'enregistrement de musique...

Il est équipé d'une régie, la "control room", que nous avons entièrement rénovée récemment. Nous avons installé des équipements de pointe, tels que des Mac M1 équipés du Pro Tools HD12, le logiciel dernier cri. C'est essentiellement ici que se déroulent les enregistrements musicaux. De plus, le studio est configuré pour réaliser des bruitages, avec un plateau de 150 mètres carrés comprenant trois cabines.

Et derrière la vitre, l'espace destiné aux musiciens...

L'espace bénéficie d'une hauteur sous plafond d'environ 12 mètres, ce qui est exceptionnel pour les orchestres. Il peut accueillir jusqu'à 40 musiciens. Généralement, j'enregistre les instruments à cordes sur le parterre, tandis que les bois et les cuivres sont placés en hauteur. Nous avons également un piano Fazioli, que je place habituellement dans une cabine. Historiquement, nous avons réalisé beaucoup d'enregistrements de jazz car nous étions affiliés au label Cristal Records, initialement spécialisé dans le jazz. Au fil du temps, grâce aux contacts d'Eric Debègue auprès de nombreuses productions cinématographiques via sa société d'édition, nous avons commencé à enregistrer de la musique de film, souvent avec des orchestres.

L'écran original, étant donné que c'était un ancien cinéma, est-il toujours présent ?

Il est là, tout au fond et caché, mais n'est plus utilisé. À la place, nous avons installé un autre écran spécialement adapté pour le bruitage. Lorsque je reçois un orchestre pour de la musique de film, je dispose mes musiciens en arc de cercle et projette le film sur un moniteur situé juste au-dessus de la vitre. Le chef d'orchestre se place au centre. Souvent, le réalisateur est présent, ce qui est très enrichissant pour les musiciens car cela nous permet de leur expliquer le contexte du projet et ce que l'on attend d'eux.

Les chefs d'orchestre varient-ils selon les projets ? Ont-ils des méthodes différentes ? Certains utilisent-ils le "clic" (un métronome) pour synchroniser avec l'image ?

Effectivement, beaucoup utilisent le clic. Je collabore principalement avec deux orchestres : l'Orchestre de l'Alhambra et l'Orchestre de l'Archipel. L'Orchestre de l'Alhambra a été créé par Arnaud Châtaignier, qui est à la fois premier violon et chef d'orchestre.

Y a-t-il un lien entre le nom de cet orchestre et le nom du studio ?

Oui, car nous avons créé cet orchestre ensemble, c'est pourquoi il porte ce nom. Il est composé de musiciens de la région, à moins qu'il y ait des requêtes spécifiques de la part d'un compositeur souhaitant faire venir son premier violon. Quant à l'Orchestre de l'Archipel, il est basé à Bordeaux et a été créé par Pierre-François Dufour, qui est à la fois violoncelliste et chef d'orchestre.

Est-ce que votre studio offre l'ensemble de la chaîne de production d'une musique en interne ?

Oui, nous avons la capacité de gérer l'intégralité de la chaîne de production en fonction des besoins. Nous adaptons le nombre de musiciens en fonction du budget. Les clients souhaitent souvent avoir le plus grand nombre de musiciens possible, mais une fois informés du coût, ils tendent à réduire ce nombre.

Est-il possible d'adapter de manière ingénieuse le processus aux contraintes budgétaires, par exemple en utilisant la technique de "re-recording" (ré-enregistrement, technique consistant à enregistrer des musiciens par-dessus un premier enregistrement) ?

Nous utilisons fréquemment cette technique. En moyenne, je travaille avec 17 musiciens, principalement des cordes, et pour donner plus d'ampleur au projet, nous les déplaçons et les faisons reculer d'un cran pour réaliser un ré-enregistrement.

On entend souvent dire que les compositeurs préfèrent enregistrer dans les pays de l'Est car c'est moins cher. Comment l'Alhambra s'adapte-t-il aux conditions du marché ?

Nous faisons de notre mieux pour nous adapter, mais nous avons des grilles de salaire à respecter pour les intermittents, ce qui est tout à fait légitime et heureusement que nous avons cette contrainte. Cependant, cela nous rend plus chers que les pays de l'Est, car en termes de salaire, ils sont imbattables. Pour le coût d'une journée d'enregistrement ici, dans les pays de l'Est, ils peuvent faire trois ou quatre jours avec plus de musiciens. Il existe donc une véritable disparité salariale, même au sein de l'Europe. Nous souhaiterions un équilibrage des salaires à travers les pays européens, car actuellement, il s'agit d'une concurrence quelque peu déloyale.

Est-ce qu'il y a également un militantisme en choisissant d'enregistrer sa musique à l'Alhambra ?

Effectivement, beaucoup de compositeurs choisissent d'enregistrer ici par militantisme. Ils tiennent à soutenir les musiciens français. Cela dépend toutefois des productions et de leurs budgets. Souvent, la musique est reléguée au second plan en termes de budget. Donc, lorsqu'il est nécessaire de faire des coupes budgétaires, cela se fait généralement au détriment de la musique. Cela rend difficile pour certains de choisir d'enregistrer en France, en particulier pour les grands orchestres. Néanmoins, la plupart de ceux avec qui nous travaillons s'efforcent de revenir ici et plaident en faveur de l'enregistrement en France, que ce soit à l'Alhambra, à Davout, ou dans d'autres studios. Nous sommes particulièrement attachés à la musique de film, en particulier la musique orchestrale. Julien Jaouen, par exemple, vient régulièrement.

Quel est le projet dont vous êtes le plus fier en termes de films ?

Il y en a plusieurs. Récemment, nous avons travaillé sur la comédie "38,5 quai des Orfèvres" (de Benjamin Lehrer, musique de Julien Auclair, sortie le 21 juin). Nous avons également réalisé de nombreux documentaires pour Arte en collaboration avec Renaud Barbier, qui est un collaborateur régulier. Nous avons travaillé sur de nombreuses musiques pour téléfilms, dont certaines ont été composées par François Staal.

Est-ce que la multiplication des plateformes entraîne davantage de projets et donc plus d'enregistrements ?

Pour nous, pas vraiment. Jusqu'à présent, cela n'a pas eu d'impact significatif sur la musique. Nous n'avons pas reçu de demandes spécifiques en relation avec les plateformes. Nous restons en attente. De plus, les plateformes ont tendance à avoir une approche assez rigide en ce qui concerne le financement des projets des compositeurs. Elles ont la mainmise sur cet aspect.

Bénéficiez-vous d'un soutien public ? Comptez-vous sur le plan gouvernemental "France 2030", qui vise à soutenir les studios, mais semble privilégier les studios de tournage ?

Nous avons postulé pour le plan "France 2030" et constitué un dossier conséquent, mais comme nous n'avons pas d'équipements de tournage ici, notre candidature n'a pas été retenue. Ils semblent privilégier une approche globale comprenant formation, studios de tournage et post-production, le tout en un seul lieu. Nous pourrions offrir des formations en ingénierie du son, mais ils étaient surtout axés sur le cinéma et je ne pense pas qu'ils aient pris en compte la musique dans leurs critères.

C'est regrettable, car il y aurait un réel besoin de soutien dans ce domaine, surtout compte tenu du fait que, comme on l'a mentionné, la musique est souvent négligée...

Cela dit, nous bénéficions d'un certain soutien, notamment de la Sacem. Les compositeurs, ou du moins les productions, reçoivent des subventions par l'intermédiaire de la Sacem.

Est-ce que les projets qui postulent pour une aide trouvent un avantage à mentionner qu'ils enregistreront à l'Alhambra ?

C'est principalement avantageux de mentionner qu'ils vont enregistrer en France avec des musiciens et techniciens français. Cela a son importance. Nous avons également la chance de travailler en collaboration avec Eric Debègue, éditeur de musique de film. Les projets qui viennent ici sont souvent signés en co-édition par le biais de sa société, Cristal Records, ce qui signifie également que nous pouvons attirer des projets grâce au soutien de l'éditeur.

Un peu à l'instar d'une salle de théâtre, le studio est équipé de panneaux, il peut donc être adapté et personnalisé selon les besoins ?

Tout est modulable. Il y a trois cabines disponibles: une grande et deux plus petites. Dans celles-ci, je peux installer un piano, notamment le Fazioli qui est un instrument assez extraordinaire. Lorsque j'enregistre des instruments à vent, il y a suffisamment d'espace pour un saxophone ou une trompette, ainsi que pour l'enregistrement de voix. On ajuste l'espace avec différents panneaux acoustiques. Ce studio porte le nom de Lalo Schifrin. Nous avons nommé toutes les salles en l'honneur de compositeurs ou de réalisateurs célèbres. Pour les salles de montage, par exemple, il y a la salle Stanley Kubrick, Agnès Varda, Chantal Ackerman, et Camille Saint-Saëns.

Qu'en est-il de Michel Legrand?

Eh bien, il n'a pas de salle à son nom, mais il est venu répéter ici pour le 25e anniversaire des "Demoiselles de Rochefort". Rochefort l'avait invité à donner un concert sur la place Colbert et il avait répété ici avec ses musiciens.

Outre l'enregistrement, les locaux permettent également les répétitions pour les concerts?

Oui, en effet, et nous pouvons aussi accueillir des résidences de création. Il n'y a pas si longtemps, j'ai accueilli une résidence comprenant le percussionniste Pierre-François Dufour et Bojan Z, un claviériste de jazz. Un autre avantage de cet endroit, malgré son emplacement à Rochefort, est la présence d'appartements attenants au studio. Nous en avons quatre et nous en aménageons un cinquième pour héberger les techniciens ou les musiciens en résidence. Ils peuvent donc travailler tard le soir s'ils le souhaitent. Il y a aussi une cantine. Les résidents peuvent donc se concentrer entièrement sur leur travail, pendant que nous prenons en charge tout le reste, y compris les repas, l'hébergement, et même les accompagner à la gare si nécessaire. De plus, en collaboration avec la ville de Rochefort, nous offrons des services tels que la location de vélos.

Ces résidences sont des initiatives privées, mais avez-vous l'intention de mettre en place des programmes de soutien basés sur des candidatures, sous forme de résidences annuelles?

Nous réfléchissons actuellement à cela, en collaboration avec le compositeur Yan Volsy, avec l'idée de créer une résidence de création sonore liée à l'image, similaire à une résidence d'écriture mais spécifiquement axée sur la musique pour l'image. C'est un projet en cours dirigé par Eric Debègue et Yan.

Yan Volsy, étant compositeur, a-t-il déjà enregistré ici?

Yan Volsy est aussi un designer sonore et un monteur son. Il travaille souvent avec le compositeur Pablo Pico. Ils sont venus récemment pour deux jours afin d'enregistrer pour un long métrage d'animation. Yan est revenu deux semaines plus tard pour deux courts métrages d'animation. Pour ces projets, nous avons organisé des sessions d'enregistrement partagées, en réservant une journée entière pour travailler sur ces deux courts métrages avec les mêmes musiciens, et ainsi optimiser les coûts.

Depuis que la région est devenue La Nouvelle-Aquitaine, incluant Angoulême où il y a des studios d'animation, est-ce que vous en bénéficiez ?

Non, Angoulême reste assez centré sur elle-même, ce que je peux comprendre car effectivement, le Pôle Image Magelis regroupe un grand nombre de compétences. Ils ont de nombreux studios d'animation et en ce qui concerne la musique d'animation, ils n'ont pas vraiment besoin d'un lieu comme le nôtre car il existe beaucoup de petits home studios et de musiciens-compositeurs qui travaillent de chez eux, équipés d'une bonne carte son et de bons micros. De nos jours, il est possible de produire un travail de très haute qualité par soi-même. Il ne faut pas se voiler la face. Louer un studio comme le nôtre, c'est relativement coûteux et constitue un investissement important. Les films d'animation, à l'exception des grosses productions, n'ont pas des budgets illimités. Le financement est toujours au cœur des préoccupations.

Nous parlions plus tôt de compositeurs français qui font appel à des orchestres étrangers, et cela se fait souvent à distance via Skype. Est-ce que l'inverse se produit ? Est-ce que vous avez des productions étrangères qui font appel à vous ?

Non, nous travaillons exclusivement avec des Français. Certes, un compositeur étranger qui vit en France pourrait faire appel à nous, mais nous n'avons pas de clients venant de l'étranger pour enregistrer, donc nous n'utilisons pas la visioconférence. Nous aurions la capacité technique de le faire, ayant les outils nécessaires, et nous pourrions même contrôler le logiciel ProTools à distance.

Pendant le Covid, avez-vous eu recours à cela ?

Nous n'avons pas réalisé d'enregistrements à distance car pendant la période du Covid, nous nous concentrions principalement sur le mixage et le mastering. Nous réalisons de nombreux masterings pour des bandes originales, destinées au streaming ou au CD, même si elles n'ont pas été enregistrées ici ou ne sont pas éditées chez Cristal Records. Nous effectuons également beaucoup de mastering pour le label BOriginal.

Est-ce que vous êtes amenés à rechercher des instruments exotiques pour répondre aux besoins de films se déroulant dans certaines régions du monde ?

Il m'est arrivé de devoir chercher des instruments exotiques, tels que des instruments africains, indiens, etc. Dans ces cas, ma tâche est de trouver l'instrument, mais je ne l'achète pas nécessairement. Je parviens souvent à trouver l'instrument recherché grâce à des contacts de musiciens. Il s'agit donc plutôt de location. Généralement, quand on me demande un instrument exotique, il faut également le musicien qui sait en jouer. Par exemple, si on me demande une guimbarde, je ne vais pas la louer sans le musicien qui va avec. Donc, c'est à moi de le trouver et de faire la proposition au compositeur, car il faut aussi que cela convienne au compositeur, bien entendu.

Nous venons donc de découvrir le studio d'enregistrement Lalo Schifrin. Quels sont les autres espaces de l'Alhambra ?

Les autres espaces comprennent des salles de montage et une salle de mixage (l'Auditorium Jacques Demy). Dans cette salle, on réalise le mixage de musique de film en 5.1. On peut également mixer en 7.1 et actuellement nous avons un projet en Dolby Atmos. On y effectue également de la post-synchronisation. D'ailleurs, nous venons de réaliser quelques voix pour un film d'animation, un projet préliminaire présenté à Annecy pour trouver des producteurs et des distributeurs. La configuration est très confortable pour les artistes qui n'ont pas nécessairement de home studio et qui ne disposent pas forcément d'un système 5.1 chez eux, et mixent souvent au casque. Ici, pour le cinéma, il faut vraiment une installation plus élaborée, simulant les conditions d'une salle de cinéma, c'est-à-dire avec des de véritables enceintes de cinéma. Nous avons fait appel à des professionnels pour nous conseiller sur l'acoustique du lieu.

Dans cet auditorium, on trouve donc une console, un canapé, un écran, une cabine de projection...

Effectivement, le réalisateur et le compositeur se trouvent généralement sur le canapé, tandis que l'ingénieur du son travaille à la console en train de transpirer à grosse goutte.. Pour la projection, nous utilisons un petit projecteur car nous sommes en phase de mixage ou d'enregistrement de voix, donc nous n'avons pas besoin d'un gros projecteur de cinéma. Cependant, dans une autre salle, nous avons un NEC, qui est un gros projecteur de cinéma utilisé pour l'étalonnage du film. C'est le Photoshop pour l'image animée. Cela permet d'assombrir, éclaircir et ajouter des couleurs.

Vous assurez donc la post-production, au-delà même du son et de la musique ?

Oui, nous assurons l'ensemble de la chaîne de post-production en collaboration avec des partenaires, car nous ne pouvons pas tout faire seuls. Nous avons des collaborations avec différents experts. Par exemple, nous avons un partenaire en traitement "brush", qui aide à préparer des fichiers de haute qualité à envoyer au monteur image. Nous avons également des partenaires pour l'étalonnage, ainsi que pour les étapes finales de production, comme la création de DCP (copie de projection sous forme de fichiers configurés pour les serveurs de cinéma).

Quelles sont les contraintes en termes de confidentialité ? Vous ne travaillez pas nécessairement avec des studios américains, mais ces derniers peuvent mettre en place des sécurités importantes pour éviter toute fuite...

Effectivement, cela relève de ce qu'on appelle la norme TPN, qui est assez stricte. Par exemple, dans chaque salle de montage, il n'y a pas d'accès à internet. Si les monteurs apportent un disque dur, nous devons vérifier son contenu à l'arrivée et au départ pour nous assurer qu'aucune donnée du film n'a été copiée. Les salles doivent être sécurisées avec des badges pour le contrôle d'accès. Il y a des protocoles de sécurité très stricts en place. C'est un accord de confidentialité. Rien ne doit fuiter. Ils sont propriétaires de leur contenu. Par exemple, lorsqu'ils font appel à plusieurs monteurs, ils peuvent leur donner accès à des séquences spécifiques sans accès aux autres séquences. Ils n'ont pas le droit de voir le film en entier. Parfois, certaines images sont volontairement floutées. En ce qui nous concerne, nous ne travaillons pas avec de grosses productions, nous n'avons pas vocation à travailler sur des blockbusters. Cependant, nous participons à de nombreuses coproductions internationales, principalement sur des films indépendants.

Le Festival de Cannes vient d'avoir lieu. Très souvent, il y a une contrainte de temps pour que les films puissent être présentés à la sélection. Étant donné que l'Alhambra est en fin de chaîne, êtes-vous sous pression en cette période ?

On peut se retrouver en situation de stress intense, surtout à partir de janvier - février, quand on nous contacte en nous disant : "Ah, nous avons besoin de ceci pour telle date, nous devons finaliser les DCP pour les présenter à Cannes". Alors, il arrive parfois que nous n'ayons pas le temps de tout terminer, donc on leur fournit une copie de travail, qui est quand même bien avancée. Mais effectivement, la période précédant Cannes est une période de forte activité pour nous et pour certains de nos prestataires, en particulier en matière d'étalonnage.

Et la période la plus tranquille, c'est l'été ?

Effectivement, en ce moment, c'est plutôt la saison des tournages. Juin, juillet, août, il fait beau. Donc, les producteurs profitent de cela pour tourner. Et puis c'est la période post-Cannes, et après Annecy, etc. Donc, ils prennent un peu de recul. Mais effectivement, pour nous, c'est un peu plus calme. Par exemple, en juillet, je n'ai rien de programmé, je dois aussi effectuer quelques petits travaux. Donc je me concentre là-dessus. Et puis, en août, j'ai trois semaines de bruitage pour une série télévisée.

Avez-vous un pré-planning d'un an ou cela peut-il s'étendre davantage ?

Non, j'aimerais bien. J'ai environ un planning prévisionnel de 6 à 8 mois. Il faut toujours continuer à chercher de nouvelles opportunités, à relancer, car on peut être vite oublié, comme dans tous les métiers. Nous travaillons beaucoup avec des personnes qui ont obtenu des subventions de la part du département et de la région, ce qui contribue à attirer des projets, même si cela reste encore très centré sur Paris.

Il y a une communication nécessaire, et le festival Sœurs Jumelles à Rochefort contribue-t-il à la renommée du studio ?

Absolument. Sœurs Jumelles permet avant tout de mettre en valeur la relation musique-image avec les tables rondes organisées avec des réalisateurs et des compositeurs. Cela donne l'opportunité au public et aux personnes qui ne sont pas nécessairement familiers avec ce domaine de comprendre le lien entre la musique et l'image. Ainsi, le Festival Sœurs Jumelles est très pertinent à cet égard. De plus, grâce aux personnes qui y participent, cela permet de rencontrer des professionnels, des producteurs et des compositeurs, et de leur faire découvrir le studio s'ils ne le connaissent pas encore. Même s'ils en ont probablement déjà entendu parler, le studio existe tout de même depuis 1988. Les gens nous connaissent et nous avons une bonne réputation, en particulier grâce à l'acoustique exceptionnelle de notre grande salle.

Et vous-même, vous êtes donc en charge de la gestion du lieu ?

Je suis coordinateur de post-production (ou régisseur) depuis 10 ans. Je m'occupe également de la partie commerciale. Je fais un peu de tout. J'organise les plannings des techniciens avec les producteurs, je recherche des techniciens, je trouve des musiciens... Eric Debègue est le PDG de la structure, il s'occupe à côté de la partie édition chez Cristal Group, qui est une entité complètement distincte du studio. Nous avons donc le même patron. C'est lui qui a une vision d'ensemble sur toutes ces entités et qui peut créer des synergies. Il a un impressionnant réseau de contacts. Mais il nous accorde une totale confiance. C'est un passionné du travail et de la communication. C'est un plaisir de travailler avec lui car il est très dynamique et insuffle de l'énergie dans le travail. On ne peut pas dire que nous travaillions dans des conditions désagréables. Avant cela, j'étais responsable d'une agence d'intérim, dans le secteur commercial, mais j'ai toujours été impliqué dans le milieu de la musique depuis mon enfance, en particulier dans l'univers du jazz. J'ai eu de nombreux amis musiciens de jazz, et je fréquentais le Caveau de la Huchette à Paris. Cristal Records étant à la base un label de jazz, la connexion s'est faite naturellement.

 

Propos recueillis par Benoit Basirico


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